Coldplay a réfuté cette semaine l'allégation de plagiat lancée par Joe Satriani. «Quand ce genre de chose se produit, c'est une coïncidence et on est aussi surpris que n'importe qui», a déclaré Chris Martin à NME Radio. Il a ajouté avoir un souvenir précis du moment où la chanson lui est venue: il était au piano, au milieu de la nuit. «Ça me vexe, parce que j'ai écrit cette chanson», a-t-il insisté.

Satriani, guitariste virtuose très populaire au tournant des années 90, a déposé une accusation de plagiat contre le groupe britannique la semaine dernière après avoir constaté que le tube Viva La Vida ressemblait à un morceau à lui intitulé If I Could Fly, qui date de 2004. Ironie du sort, quatre des sept nominations de Coldplay au prochain gala des Grammys concernent précisément la chanson litigieuse.

 

L'allégation de plagiat a fait boule de neige sur l'internet et suscité une guéguerre de fans. Des clips faisant état de l'affaire ont été vite mis en ligne sur YouTube. Un guitariste canadien a analysé la structure des deux morceaux et conclu que «ça regarde mal pour Coldplay». Un autre clip se contente de juxtaposer les deux chansons, incitant l'auditeur à conclure qu'il y a bel et bien eu plagiat.

Les similitudes entre If I Could Fly et Viva La Vida sont troublantes, en effet. Une part importante des deux morceaux mise sur un riff, un tempo et une mélodie presque identiques. Ça regarde mal pour Coldplay, c'est vrai. Sauf que ce n'est pas forcément suffisant pour démontrer qu'il y a eu plagiat.

Des causes impliquant des ressemblances entre deux pièces musicales, Me Stéphane Gilker en traite quelques-unes par année. «Ce sont des cas difficiles», prévient ce spécialiste en propriété intellectuelle qui possède également une formation musicale. Pour conclure à une violation du droit d'auteur, il faut d'abord qu'il y ait eu reproduction d'une partie importante d'une oeuvre. Contrairement aux rumeurs qui circulent, l'emprunt n'a pas besoin d'être long, il n'a qu'à être significatif.

«Dans le domaine musical - ce n'est écrit nulle part, mais c'est la façon dont on doit l'interpréter selon moi - c'est ce qui accroche l'oreille, expose Me Gilker. Dans le fond, si je suis capable de reconnaître l'oeuvre, je risque fort d'être dans une partie importante au plan qualitatif.» Le bout qu'on chanterait à un disquaire pour lui permettre d'identifier une chanson, c'est généralement cet élément clé.

«Deux oeuvres totalement identiques peuvent ne pas se violer au plan du droit d'auteur», prévient toutefois l'avocat. Il se peut que deux musiciens développent les mêmes idées indépendamment l'un de l'autre. Dans le cas qui oppose Satriani à Coldplay, il faudra déterminer si Chris Martin avait entendu ou non If I Could Fly avant d'écrire Viva La Vida. Satriani ne jouissant pas d'une diffusion aussi généralisée que U2, cette preuve ne sera pas nécessairement facile à faire. On ne parle pas d'un morceau tiré de Surfing With the Alien, album emblématique des années 80, mais d'un titre paru plus confidentiellement il y a quatre ans.

Que Chris Martin se rappelle ou non avoir entendu If I Could Fly ne pèse cependant pas bien lourd dans la balance. George Harrison lui-même a été condamné pour «contrefaçon inconsciente»: sa chanson My Sweet Lord est calquée sur un morceau intitulé He's So Fine popularisé par un quatuor féminin baptisé The Chiffons huit ans avant la sortie de All Things Must Pass. Il n'a jamais admis avoir voulu copier le morceau composé par Ronald Mack, la cour a simplement admis qu'il l'avait forcément entendu. He's So Fine a été un gros tube en Angleterre à l'époque où les Beatles amorçaient leur domination des palmarès.

Un cas récent concernant un autre Beatles pourrait toutefois donner espoir à Coldplay. Accusé d'avoir plagié l'oeuvre d'un bluesman (auquel il donne par ailleurs crédit dans le livret de l'album Electric Argument), Paul McCartney a fait valoir que le morceau en question est lui-même inspiré d'un air traditionnel et que, en conséquence, il est libre de droits. Si Coldplay prouve que Satriani a piqué sa mélodie à Mozart, l'affaire est dans la poche!

L'affaire sera sans doute débattue âprement. Me Gilker estime toutefois que, au-delà de la théorie musicale, c'est souvent le «gros bon sens» qui finit par prévaloir dans de telles causes. Ce n'est pas le cas sur YouTube où la notion de plagiat est très élastique. Il suffit qu'un fan de My Chemical Romance reconnaisse une inflexion vocale de Gerard Way dans un tube d'Avril Lavigne pour qu'il crie au scandale. En tapant «similarities in songs» dans le moteur de recherche, on tombe sur une foule d'exemples qui vont du confondant (Sweet Little Sixteen de Chuck Berry et Surfin' USA des Beach Boys, notamment) au délire paranoïaque!