À peine une heure après que la métropole eut appris la réouverture prochaine des salles de concert au public, l’Orchestre symphonique de Montréal mettait en ligne le deuxième de ses trois concerts avec le chef Kent Nagano. Est-ce pour autant la fin des webdiffusions ? Plusieurs organismes se sont montrés ouverts à adopter de manière permanente une formule hybride avec public en salle et captation accessible à la maison. Une initiative porteuse à suivre de près.

Enregistré le 5 mars à la Maison symphonique, le présent concert met en vedette le pianiste Marc-André Hamelin, venu des États-Unis, où il habite, pour jouer le Concerto pour piano et instruments à vent de Stravinsky. C’est l’avantage de la pandémie de nous faire découvrir des œuvres pour effectifs plus réduits qui sont rarement à l’affiche des concerts symphoniques traditionnels.

Les vents de l’OSM se montrent ici très solides. On pense notamment aux cors, dont la fusion des timbres est remarquable dans le premier mouvement, ou au chant magnifique des anches doubles dans le mouvement central.

Solide comme un roc, Marc-André Hamelin empoigne cette partition tantôt avec panache, tantôt avec tendresse. Il réussit la quadrature du cercle : cultiver une économie maximale des mouvements (le tronc reste droit et détendu, les bras et les doigts ne font jamais un mouvement de trop) tout en gardant la spontanéité et l’intensité de l’émotion.

Sans se regarder, Marc-André Hamelin et Nagano font corps tout au long, soulignant les syncopes avec un savoureux naturel.

En deuxième partie, les cordes seules se sont retrouvées pour un arrangement par Mahler du fameux Quatuor no 14 en ré mineur, dit « La jeune fille et la mort », de Schubert. Jouer une œuvre de musique de chambre dans une formation plus opulente est toujours un défi, chaque partie devant avoir à la fois indépendance et consistance. Hormis quelques scories dans le long mouvement lent, l’orchestre s’en est globalement tiré de manière honorable. L’acoustique ample de la Maison symphonique aidant, les musiciens ont développé un son charnu, même dans les passages pianissimo.

PHOTO FOURNIE PAR L’OSM

La Maison symphonique vide de ses spectateurs, mais pas de ses musiciens

Kent Nagano adopte toutefois des tempos généralement trop larges. Le Scherzo perd ainsi de sa hargne et le Presto final, de son caractère « pressé ». Dans le premier mouvement, il privilégie le chant, la ligne, ce qui convient naturellement très bien pour le thème lyrique, mais beaucoup moins au thème initial et à plusieurs autres passages qui bénéficieraient d’une accentuation autrement plus marquée.

Musicalement, c’est probablement le mouvement lent, en forme de variations, qui a été le plus convaincant. Le chef réussit à faire de chacune des variations une petite vignette bien définie.

Dernier détail, mais non des moindres : un bruit parasite s’est fait entendre à plusieurs moments dans le Schubert (notamment dans le Scherzo), une sorte de marmonnement lointain…

Le concert est offert sur osm.ca jusqu’au 6 avril.