Le premier concert d’un bloc de trois spectacles payants de l’Orchestre symphonique de Montréal avec le nouveau chef émérite Kent Nagano a été offert mardi soir sur le web. Le concert, généralement de haute tenue, a notamment mis en vedette l’orgue de la Maison symphonique.

L’apport du maestro a été souligné d’emblée par Lucien Bouchard, président du conseil d’administration de l’orchestre, et dans une vidéo récapitulative où M. Nagano est montré comme quittant la métropole « en légende ».

Enregistré le 2 mars, le concert met en vedette un effectif plutôt réduit, sauf pour la Symphonie no 2 de Beethoven. Les trois œuvres ont été choisies par le chef pour illustrer les potentialités créatives malgré l’adversité : la Kammermusik n° 1 de Hindemith, composée après la grippe espagnole de 1918-1919, le Concerto pour orgue, orchestre à cordes et timbales de Poulenc, créé à l’aube de la Deuxième Guerre mondiale, et celle de Beethoven, écrite alors que celui-ci était effondré par la découverte de sa surdité.

L’œuvre de Hindemith, composée pour 12 musiciens, a été à notre sens le clou du concert. Très à l’aise dans cette partition, Kent Nagano est parvenu à insuffler à chacun des quatre mouvements une atmosphère tout à fait singulière. On retient entre autres la délicatesse du clarinettiste Todd Cope dans le « Quatuor » faisant office de troisième mouvement et la tonicité des deux mouvements rapides. Garder l’expressivité de chaque ligne dans le fourmillement du mouvement final est une véritable gageure que le chef a relevée haut la main. Il est tout de même surprenant qu’on ait eu recours à une sorte de synthétiseur au lieu d’un véritable harmonium…

PHOTO ANTOINE SAITO, FOURNIE PAR L’ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL

Enregistré le 2 mars, le concert met en vedette un effectif plutôt réduit.

Œuvre pour orgue et orchestre la plus jouée (avec peut-être la Symphonie n° 3 de Saint-Saëns), le Concerto pour orgue de Francis Poulenc a permis de mettre en valeur l’esthétique française de l’instrument construit par Casavant. Nommé organiste en résidence en 2013 pour un mandat de deux ans (qui semble renouvelé indéfiniment), Jean-Willy Kunz a assuré la partie soliste à partir de la console mobile sur scène derrière l’orchestre.

Il a joué de manière très égale, n’explorant qu’à moitié le potentiel expressif de cette partition si colorée. Grand spécialiste de Poulenc, Nagano lui a offert un accompagnement particulièrement soigné, avec des cordes diaphanes. Les segments rapides auraient cependant pu être imprégnés d’un peu plus d’urgence, notamment l’Allegro giocoso.

Beethoven est l’un des compositeurs qui ont le plus marqué l’ère Nagano à Montréal, notamment avec une intégrale de ses symphonies sur disque. Il nous a habitués à une approche qu’on pourrait qualifier d’« historiquement informée sur instruments modernes », c’est-à-dire avec une sonorité plutôt « sèche », des articulations marquées et des tempos alertes. Il n’y a guère à redire musicalement sur cette Symphonie n° 2 grouillante de vie et d’invention. Mais (question de fatigue peut-être ?), les musiciens n’y étaient pas à leur meilleur, avec des aigus de violons parfois approximatifs. Le Larghetto a probablement été le moins réussi, avec une circulation souvent déficiente des motifs entre les sections de l’orchestre.

Le concert est offert sur le site internet de l’Orchestre symphonique de Montréal jusqu’au 30 mars.