L’histoire de la Symphonie no 1 de Rachmaninov est relativement connue. Créée — apparemment de manière négligente — en 1897, elle est éreintée par l’influent critique César Cui, plongeant alors le jeune compositeur dans une profonde dépression. Ce sont des séances d’hypnose qui auraient permis à ce dernier de sortir de sa torpeur créatrice.

Depuis sa recréation en 1945, deux ans après la mort de Rachmaninov, l’œuvre s’est taillé une place respectable au concert et au disque. Le nouvel enregistrement qu’en propose Yannick Nézet-Séguin avec l’Orchestre de Philadelphie chez Deutsche Grammophon, nouvelle pierre dans une intégrale en cours, s’inscrit dans une certaine tradition, puisque cet ensemble en a assuré la création états-unienne en 1948 et l’a déjà enregistré deux fois, d’abord dans les années 1960, avec son directeur Eugene Ormandy, ensuite avec Charles Dutoit 30 ans plus tard, à l’époque où ce dernier officiait à Montréal.

La symphonie est judicieusement couplée aux Danses symphoniques, chef-d’œuvre de maturité dédié nommément à l’Orchestre de Philadelphie, auquel Rachmaninov vouait un immense respect.

Disons d’emblée que ce nouvel album, enregistré en concert en 2018 et en 2019, est une réalisation exceptionnelle. D’abord par sa prise de son idéale, qui surpasse celle, trop mate et trop lointaine, de l’enregistrement de Dutoit, et qui met merveilleusement en lumière les cordes chaleureuses de la phalange philadelphienne.

Le sens de l’architecture de Nézet-Séguin, essentiel dans ces grandes fresques, contribue également au succès de l’entreprise. Par rapport à Ormandy et Dutoit, les tempos de la symphonie sont semblables dans les mouvements extrêmes. Le tempo devient plus rapide dans le deuxième mouvement, qui prend ici l’allure d’un vrai scherzo, et relativement lent dans le larghetto (en comparaison d’Ormandy).

IMAGE FOURNIE PAR DEUTSCHE GRAMMOPHON

Sergueï Rachmaninov : Symphonie no 1 et Danses symphoniques, de Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre de Philadelphie

Pour ce qui est des Danses symphoniques, Nézet-Séguin se distingue par une approche généralement assez détendue. On le perçoit notamment dans la deuxième danse, mais aussi dans la première : au lieu de chercher un tempo unitaire comme ses prédécesseurs, le chef québécois n’hésite pas à ralentir dans la section centrale afin de laisser davantage chanter les vents. Un disque qui émeut et éblouit à la fois !

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★★★★½

Sergueï Rachmaninov : Symphonie no 1 et Danses symphoniques. Yannick Nézet-Séguin et l’Orchestre de Philadelphie. Deutsche Grammophon.