(Paris) C’est le nouveau « Wunderkind » de la musique classique : à seulement 24 ans, le Finlandais Klaus Mäkelä, futur directeur musical de l’Orchestre de Paris, s’apprête à conquérir son nouveau public.

Son âge, rarissime pour un tel poste, étonne moins lorsqu’on apprend qu’il a commencé ses études de direction d’orchestre dès 12 ans.

« Je le reconnais, c’est relativement rare », affirme le jeune homme au sourire franc lors d’un entretien avec l’AFP à la Philharmonie de Paris, où il dirige jeudi soir le premier concert avec public depuis le déconfinement dans ce lieu.

Actuellement chef principal de l’Orchestre philharmonique d’Oslo, très courtisé, le prodige prendra les rênes de l’Orchestre de Paris en septembre 2022, occupant d’ici là le poste de conseiller musical.

La question de l’âge ne le trouble pas : « quand on dirige un orchestre depuis l’âge de 12 ans, cela devient naturel ».

Loin de l’image traditionnelle d’un chef d’orchestre grisonnant et mis sur un piédestal, Mäkelä, également brillant violoncelliste, est accessible et a conquis l’ODP dès le premier concert il y a un an.

Diriger, mais « pas dicter »

« Diriger ne signifie pas dicter ou obliger les gens à faire des choses, c’est une autorité naturelle et j’ai eu de la chance d’apprendre cela en classe chaque semaine », affirme Klaus Mäkelä.

L’aplomb, la rigueur, mais aussi le côté chaleureux de ce millénial étaient palpables en répétition mardi.

D’une gestuelle précise, il glisse parfois plaisanteries et images pour illustrer son propos. « Imaginez-vous Don Giovanni en train de jouer de la mandoline à sa fenêtre », lance-t-il aux instrumentistes amusés en répétant Le tombeau de Couperin de Maurice Ravel.

« Malgré son jeune âge, il a une maturité assez impressionnante », se félicite la violoniste Anne-Sophie le Rol. « Comme tous les grands chefs, il arrive à transmettre quelque chose par sa gestuelle et n’a pas besoin de beaucoup parler [...] il arrive à nous faire sortir des sonorités très particulières, à aller plus loin dans les phrasés et les nuances ».

« On a l’impression d’être dirigé par un collègue », renchérit Alexandre Gattet, hautbois solo.

C’est à sept ans,  en chantant dans le chœur des enfants de Carmen à l’Opéra national de Finlande que son regard est attiré par le chef d’orchestre.

Il est formé à la prestigieuse Académie Sibelius d’Helsinki, véritable vivier de talents d’où sont sortis les plus célèbres chefs d’orchestre du pays, comme Esa-Pekka Salonen, Mikko Franck, Jukka-Pekka Saraste ou Susanna Mälkki.

« Nous avons le même professeur, Jorma Panula, qui est une fontaine de sagesse », sourit Klaus Mäkelä.

Le concert, un acte révolutionnaire ?

Si le public du classique est vieillissant malgré de nombreuses tentatives de le renouveler, Klaus Mäkelä reste optimiste.

« Les gens sont moins concentrés, regardent leur téléphone sans cesse, veulent des choses rapides. Notre art est complètement à l’opposé : il s’agit de s’asseoir, en silence, sans rien d’autre à faire que d’écouter », rappelle-t-il.

Aller à un concert « pourrait devenir très cool car beaucoup de jeunes veulent ralentir leur rythme de vie. La chose la plus révolutionnaire à faire, c’est d’aller à un concert et d’écouter une symphonie de Bruckner ! », s’exclame-t-il.

Sa nomination a mis fin à un vide d’un an à la direction musicale de l’ODP, après le départ du Britannique Daniel Harding.

Depuis quelques années, les orchestres internationaux misent sur la jeunesse et s’ouvrent plus aux cheffes d’orchestre.

Mäkelä révèle que dans ses saisons futures, il a « pris soin d’inclure des œuvres de compositrices, vivantes ou du passé », encore sous-estimées.

Pour lui, les progrès sont inéluctables sur les questions de représentativité des femmes et de diversité dans la musique classique, débat récemment soulevé. « Mais il faut faire de notre mieux pour que ça évolue, ça ne se fait pas automatiquement ».