« Le meilleur moyen de vivre cette compétition, c’est d’oublier la compétition », recommande Alain Lefèvre aux 24 jeunes violonistes du monde entier venus participer au Concours musical international de Montréal (CMIM). La Canadienne Melody Ye Yuan en fait partie.

« Il y a des musiciens qui sont des bibittes à concours et d’autres qui sont des bêtes de scène à concert. »

Alain Lefèvre a été les deux. C’est peut-être pour ça que son rôle de porte-parole du CMIM lui tient tant à cœur.

« En 2017, le compositeur québécois était membre du jury. L’édition était alors consacrée à son instrument de toujours, le piano. L’an dernier, quand il est devenu patron d'honneur, c'était au chant. Cette année, c’est au violon. »

Vingt-quatre jeunes musiciens du monde entier, nés entre 1990 et 2003, joueront ainsi dans la métropole pour remporter les honneurs. Neuf juges leur accorderont une note. Selon leurs propres critères. Dans le secret. « Sans blabla, sans mémérage, sans bullying », résume Alain Lefèvre.

Cette règle de « pas de délibération, pas de chicane » tenait à cœur au regretté cofondateur du concours, André Bourbeau. Tout comme à la présente directrice générale et artistique, Christiane Leblanc, rappelle le pianiste québécois.

Sur quoi les juges du CMIM se basent-ils donc pour juger les candidats ? Chacun a ses critères. Le porte-parole, lui, confie avoir évalué l’an dernier le niveau technique du participant, bien sûr, puis sa présence sur scène. Mais surtout, surtout, ses maniérismes (et, idéalement, leur absence). « Le mythe de l’artiste torturé qui souffre ? Nononon ! », s’exclame-t-il.

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

Le porte-parole du Concours musical international de Montréal, Alain Lefèvre

« On fait de la musique, on pratique huit heures par jour, on n’est pas obligé de monter sur scène et d’avoir l’air d’être pris d’une crise d’hémorroïdes aiguë. On peut jouer sans se rouler par terre ! »

— Alain Lefèvre, porte-parole du Concours musical international de Montréal

Le pianiste s’amuse, mais il est très sensible au défi immense que représente pour ces jeunes le fait de se mesurer à leurs pairs. « On ne peut pas s’imaginer ce qu’ils vivent. Ils se préparent depuis un an ! Bien sûr, il y en a qui n’ont pas le trac. Qui arrivent en se disant : je vais tous les planter ! Mais il y en a d’autres qui ont cette sensibilité inhérente aux artistes. Qui sont malades. Qui pensent à leurs parents. »

Une finaliste canadienne

Généralement, le défi est d’autant plus grand lorsque les concours laissent les candidats à eux-mêmes. Sans soutien. Ce qui n’est pas le cas du CMIM. Ici, dit Alain Lefèvre, ils sont accompagnés. Respectés. Entendus. Et c’est ce qui fait qu’il aime tant l’événement. « Ce n’est pas parce qu’un jeune offre une performance moins extraordinaire qu’il ne sera pas prêt à faire carrière. La partie la plus importante, c’est d’avoir une visibilité. »

Une visibilité qui sera notamment offerte à Melody Ye Yuan. S’étant glissée à la dernière minute parmi les candidats, au début du mois, la Canadienne de 22 ans était toute rayonnante à la conférence de presse de l’événement, son violon à la main.

D’ailleurs, pour lancer le bal, Melody et ses collègues-concurrents ont joué, comme des copains, sur la scène de la salle Bourgie où se déroulera la majorité des épreuves.

Tout sourire, la jeune femme a vanté l’ambiance et le côté amical de la compétition avant de nous présenter son programme. Dans la première ronde des épreuves, elle a choisi d’interpréter la Sonate n2 en la mineur de Bach, la Sonate en sol mineur de Debussy et Carmen Fantasie de Waxman. « Une de mes pièces préférées de toujours ! Très tape-à-l’œil, très technique. Je l’adore. Même si elle est souvent jouée. Presque trop. »

Melody joue du violon depuis qu’elle a 5 ans. Née en Chine, arrivée au Canada à 9 ans avec ses parents, elle étudie désormais au Conservatoire de musique de la Nouvelle-Angleterre, avec Donald Weilerstein. « Chic ! », lance-t-on. « Je veux juste rentrer à la maison ! », s’esclaffe-t-elle.

Dans le CMIM, elle voit une chance de côtoyer des artistes du monde entier. Et de se forcer à répéter. « J’ai un peu de mal à le faire, avoue-t-elle. C’est dur ! Parfois, la paresse nous prend. C’est pour ça que j’aime les compétitions. Ça peut nous aider à travailler. » Avec sagesse, elle ajoute : « Le résultat est moins important que le progrès accompli. »

PHOTO EDOUARD PLANTE-FRÉCHETTE, LA PRESSE

La Canadienne Melody Ye Yuan participe au Concours musical international de Montréal.

Elle-même se sent accomplie quand elle joue. 

« C’est devenu une part de moi. Je ne peux pas m’imaginer ce que je serais sans le violon. »

— Melody Ye Yuan, 22 ans

Inspirée par Yehudi Menuhin et Jascha Heifetz (« Sa technique et son jeu sonnent comme dans un conte de fées »), elle écoute « plein de classique, de musique de chambre, de trios, de quatuors et de quintettes à cordes ». Mais aussi du jazz, de la pop chinoise, des chanteurs taïwanais. À ces mots, ses yeux s’illuminent. Puis, elle se met à parler d’un concours de chant qu’elle suit sur YouTube. « J’apprends beaucoup en regardant ces stars ! Chanter, c’est comme jouer du violon. Ça vient tout du cœur. »

Elle songe d’ailleurs à lancer sa propre chaîne, comme la violoniste Julia Fischer, qu’elle adore. « Bientôt, promet-elle. Bientôt. »

Le CMIM se poursuit jusqu’au 5 juin.