Le Metropolitan Opera de New York a fait la fête à son nouveau directeur musical, mardi soir, après la première d'une nouvelle production acclamée de La traviata.

Yannick Nézet-Séguin a salué la foule qui l'ovationnait sous une pluie de confettis dorés. Tous les musiciens sont venus le rejoindre sur la scène pour lui témoigner respect et affection, une première dans l'histoire du Met. Et chacun des spectateurs s'est vu offrir une petite bouteille de vin pétillant dont l'étiquette était ornée du prénom du chef d'orchestre et d'un dessin le représentant de profil, baguette à la main.

Le Met voulait ainsi célébrer le début d'une nouvelle ère: Yannick Nézet-Séguin venait de terminer sa première prestation en tant que directeur musical de la plus importante maison d'opéra américaine. Rôle qu'il a dû assumer deux ans plus tôt que prévu à cause du scandale d'inconduite sexuelle ayant précipité la chute de son prédécesseur, James Levine, titulaire du poste pendant quatre décennies.

Hier après-midi, Yannick Nézet-Séguin a reçu un autre cadeau sous la forme d'un article élogieux du critique Anthony Tommasini publié sur le site du New York Times. «Je m'attendais à ce que sa Traviata soit bonne, mais pas si bonne», a écrit le journaliste avant d'expliquer que le rôle du nouveau directeur musical du Met ne consisterait pas seulement à innover, mais également à rendre justice aux classiques de l'opéra comme celui de Verdi.

«Comment s'en est-il tiré? Splendidement», a conclu Anthony Tommasini.

Or, quelques minutes après avoir savouré ce compliment, Yannick Nézet-Séguin s'est surtout réjoui des bons mots du critique pour chacun des chanteurs de cette nouvelle production mise en scène par Michael Mayer : Diana Damrau (Violetta Valéry), Juan Diego Flórez (Alfredo Germont) et Quinn Kelsey (Giorgio Germont).

«Évidemment, je suis très content de ce qu'on dit sur moi et l'orchestre, mais je suis aussi content que les chanteurs aient tous eu une belle critique», a déclaré le chef d'orchestre lors d'un bref entretien téléphonique. «Parce que je sais qu'au début de représentations comme celles-ci, ça leur permettra de relaxer. On va avoir une belle run de huit représentations où ils vont se sentir bien.»

Reste que Yannick Nézet-Séguin était LE point d'attraction de cette soirée de gala. Le Montréalais de 43 ans l'a d'ailleurs ressenti en se présentant dans la fosse d'orchestre du Met, où il avait fait ses débuts en 2009 et avait dirigé près de 70 représentations.

«J'étais bien conscient de la portée symbolique de la soirée d'hier. J'avais eu le temps de bien y réfléchir tout au long du processus de répétitions depuis un mois.» 

«Je me disais que le destin était quand même incroyable: La traviata est le premier opéra sur lequel j'ai travaillé, il y a 20 ans, à l'automne 1998, poursuit-il. Et voilà que je le retrouve à mes débuts comme directeur musical du Met. C'est un opéra que je connais par coeur, que j'aime. En même temps, je voyais que les attentes étaient élevées. J'étais donc content que ça puisse se passer avec cet opéra-là.»

Yannick Nézet-Séguin a été touché par la réaction enthousiaste et chaleureuse du public du Met mardi soir. «Je sentais dans la salle une énergie assez incroyable, a-t-il dit. Une espèce de joie. Il y avait les attentes fébriles, comme c'est toujours le cas pour la première d'une nouvelle production. Mais c'était plus que ça. Il y avait beaucoup d'amour, beaucoup d'écoute. C'est sûr que la période des applaudissements a été spéciale.»

À entendre certains spectateurs, Yannick Nézet-Séguin y est pour beaucoup dans cette réaction. «C'est un chef d'orchestre extraordinaire», a déclaré Andrew Phillips, un fidèle du Met, après la présentation de La traviata. «Il apporte de l'énergie et de la passion. Je pense que nous avons de la chance de l'avoir. Il est très talentueux.»

Stephanie Lazar, qui venait de voir sa troisième production de La traviata au Met, s'est plu à observer le travail de Yannick Nézet-Séguin au cours des trois actes de l'opéra.

«Il y avait des moments où il était tout à fait évident qu'il parvenait à exprimer ses émotions à travers la musique», a déclaré cette mélomane accompagnée de sa mère née en Autriche. 

«La façon dont il soulève l'orchestre m'a beaucoup touchée. Il est très bien accueilli ici, vous savez. Il a apporté de l'enthousiasme, de la nouveauté et du changement», explique Stephanie Lazar, une spectatrice, au sujet de Yannick Nézet-Séguin.

Ce changement devrait se manifester de diverses façons au cours des prochaines saisons. Le Met s'attaquera notamment à deux nouveaux opéras en chantier dont la musique sera d'abord entendue à l'occasion de concerts donnés par l'Orchestre de Philadelphie, une des trois maisons de Yannick Nézet-Séguin. Le Met sortira par ailleurs du Lincoln Center à l'occasion de productions qui seront présentées à la Brooklyn Academy of Music (BAM), de même qu'à Central Park.

Le nouveau directeur musical du Met poursuivra ainsi une trajectoire qui est à la fois loin et près de ce qu'il imaginait il y a 20 ans.

«Rationnellement, je ne peux pas encore le croire. Mais en même temps, mon coeur a toujours senti que c'était ma place», a-t-il confié avant de mettre fin à l'entretien pour aller diriger une autre répétition.