Parisien d'adoption depuis la préadolescence, le pianiste américain Nicholas Angelich sera le premier soliste invité de la nouvelle saison de l'Orchestre Métropolitain (OM), qui s'amorce cette semaine.

Virtuose améropéen, en quelque sorte.

Cet instrumentiste de réputation internationale renouera avec l'OM et Yannick Nézet-Séguin, qui l'avait dirigé au Festival de Lanaudière en 2016. Un homme que le pianiste apprécie et avec qui il entretient une relation extrêmement positive.

«J'avais eu la chance de jouer avec Yannick une première fois à Toulouse il y a plusieurs années. On se sent tout de suite très à l'aise avec lui. C'est un musicien admirable, très généreux, il a une grande connaissance du répertoire et il maîtrise parfaitement la communication avec cet orchestre auquel je suis très attaché.»

Cette fois, le pianiste vient briller dans deux programmes distincts de l'OM: il y interprétera les deux derniers concertos de Sergueï Rachmaninov, assurément l'un des plus grands compositeurs postromantiques, de surcroît un maître de l'écriture pour le piano.

Joint à son domicile français, quelques jours avant sa traversée de l'Atlantique, Nicholas Angelich amorce la conversation par une présentation exhaustive des pièces qu'il interprétera à Montréal.

«Ces deux concertos de Rachmaninov sont très différents. Le troisième est très vaste, aussi très romantique. Un peu moins joué que les autres, le quatrième est plus spécial: c'est un langage très particulier, harmoniquement plus moderne, plus nouveau. C'est du très grand Rachmaninov! Le Concerto no 4, il faut dire, ressemble aux danses symphoniques qu'il avait composées par la suite.»

L'admiration d'Angelich pour Rachmaninov

S'exprimant dans un français impeccable, avec un tout petit accent trahissant ses origines américaines, Nicholas Angelich se montre admiratif du compositeur russe, tant pour le piano que pour l'orchestre.

«Il y a chez Rachmaninov une science de la sonorité, bien au-delà de l'écriture. D'aucuns ont reproché à sa musique d'être grandiloquente... moi, je ne trouve pas. Je trouve au contraire qu'il a été très inspirant, aussi lorsqu'il jouait le piano ou lorsqu'il dirigeait. Il a chez Rachmaninov un côté à la fois très puissant et très pudique.»

Homme du XXe siècle, Rachmaninov aurait-il perfectionné quelque chose imaginé avant lui?

«Il y a quelque chose de cela, mais... pour moi, ça reste très fort et très moderne. Quand on l'écoute jouer lui-même, on se rend compte à quel point il avait un style extraordinaire, à la fois très romantique et très moderne. Jamais sa musique ne laisse l'impression d'être surjouée. Complexe, l'oeuvre de Rachmaninov ne s'exprime pas au premier degré; on y trouve des éléments de mystère et de grande subtilité. Personnellement, je ressens la très forte personnalité de Rachmaninov, ses idées musicales, sa conception de l'acoustique, sa technique, son éloquence.»

Appelé à décrire son rôle d'instrumentiste, notre interviewé aime la comparaison entre jeu musical et jeu théâtral.

«Nous, interprètes de la musique, sommes comme des acteurs. Nous devons nous mettre au service du texte, après quoi chacun a sa personnalité, sa vérité, son parcours dans la vie.»

Cela étant posé, Angelich confie trouver très difficile de parler de soi... il se prête néanmoins au jeu.

«Je peux me définir par rapport aux gens qui m'ont marqué. Certainement, j'ai été très influencé par Aldo Ciccolini ou par Leon Fleisher, mais comment cela peut-il se traduire? Ma personnalité est là, de toute façon, et je souhaite produire quelque chose de plausible pour le mélomane qui connaît très bien l'oeuvre jouée et aussi chez celui qui n'a pas l'habitude d'aller au concert.»

Le talent dans les veines

Inutile de souligner la profonde culture classique de Nicholas Angelich, issu d'une famille de musiciens - son père a été violoniste à l'orchestre de Cincinnati pendant 45 ans, sa mère a été pianiste de haut niveau. Ses parents ont eu tôt fait de dépister son talent; à l'âge de 7 ans, il s'illustrait en jouant le Concerto pour piano no 21 en do majeur, K. 467!

À l'âge de 13 ans, soit en 1983, il est parti en France avec sa mère afin d'y auditionner auprès de feu Aldo Ciccolini, soit au Conservatoire national supérieur de musique de Paris. Par la suite, il a aussi étudié avec d'autres pianistes éminents, notamment l'Américain Leon Fleisher.

«J'ai des liens très forts avec la France et l'Europe, souligne-t-il. En même temps, je suis très attaché aux États-Unis, car c'est mon pays. Je me sens appartenir à quelque chose...» d'améropéen.

Avec l'Orchestre Métropolitain sous la direction de Yannick Nézet-Séguin, Nicholas Angelich jouera le Concerto no 4 de Rachmaninov à la Maison symphonique, ce soir à 19 h 30, et vendredi au Koerner Hall de Toronto, 20 h. Tous les soirs, l'OM exécutera la Symphonie no 1 de Sibelius et aussi Avril, du compositeur québécois Nicolas Gilbert (création).

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PROGRAMME 1: Nicolas Gilbert: Avril (création), Rachmaninov: Concerto pour piano no 4, Sibelius: Symphonie no 1, ce soir à 19 h 30, Maison symphonique de Montréal

PROGRAMME 2: Nicolas Gilbert: Avril (création), Rachmaninov: Concerto pour piano no 3, Sibelius: Symphonie no 1, demain à 20 h, Koerner Hall de Toronto