L'écoute passionnée de la musique implique aujourd'hui un très vaste corpus: musique classique, musique contemporaine, opéra, musiques électroacoustique ou électronique, jazz, et plus encore. La rubrique Mélomanie fait un survol de l'actualité dans le domaine, deux fois par mois.

Festival de musique de chambre de Montréal

Jusqu'au 17 juin, le Festival de musique de chambre de Montréal (FMCM) occupe un créneau important de la mélomanie montréalaise, soit en réunissant tous les chambristes disponibles dans son réseau de contacts et connaissances. S'y expriment différents ensembles, solistes, interprètes de différents champs et époques de la musique classique/contemporaine, incluant le jazz. Voici cinq suggestions.

Jazz: Eldar Djangirov, phénomène de supravirtuosité

De nouveau invité au Festival de musique de chambre de Montréal, le pianiste américain d'origine russe Eldar Djangirov s'y produira en trio. Nous avons pu le constater lors de ses concerts précédents au même festival qui l'invite depuis ses débuts sur la scène internationale : en technique pure, cet interprète et improvisateur de 31 ans dépasse à peu près quiconque de sa génération sur le territoire pianistique du jazz moderne, d'autant plus qu'il s'illustre fort bien dans le répertoire classique, et ce, même si, étrangement, il ne s'est jamais produit au Festival international de jazz de Montréal - inutile d'ajouter qu'il y deviendrait illico une tête d'affiche. Djangirov revient cette fois avec son trio, tout jazzophile ne l'ayant pas encore entendu risque de prendre une claque!

À la salle Pollack de l'Université McGill, vendredi 8 juin, 20 h.

Classique, romantique, postromantique: Le Tempest Trio fait son entrée à Montréal

Le Tempest Trio réunit des interprètes de réputation internationale: le violoniste russe Ilya Kaler, le violoncelliste israélien Amit Peled et le pianiste israélien Alon Goldstein. Pour son tout premier concert donné sur le sol canadien, cet ensemble de haute tenue jouera des trios de Beethoven et de Leonard Bernstein, sans compter le Quatuor pour piano opus 47 de Schumann avec la participation de l'excellente altiste montréalaise Marina Thibeault. Le lendemain de ce concert, Alon Goldstein partagera la scène avec trois des meilleurs pianistes classiques du Canada, David Jalbert, Steven Massicotte et Wonny Song. Également au programme, des oeuvres phares telles la Danse macabre de Saint-Saëns, la Rhapsodie de Liszt, la Sonate pour piano quatre mains K. 381 de Mozart, Stars & Stripes de Sousa.

À la salle Pollack de l'Université McGill, jeudi 14 juin, 20 h, vendredi 15 juin, 17 h.

Contemporain: Le Rolston String Quartet interprète Steve Reich

Actuellement quatuor en résidence à l'Université Yale, le Rolston Sting Quartet a remporté le 12e Concours international de quatuors à cordes de Banff et récolté d'excellentes critiques lors de ses récentes tournées au Canada, aux États-Unis, en Europe et en Israël. Au FMCM, l'ensemble canadien interprétera Different Trains du grand compositeur new-yorkais Steve Reich, avec projection simultanée de la vidéo réalisée par Beatriz Caravaggio. Écrite pour quatuor à cordes et bande sonore à partir de laquelle la langue parlée devient de la musique (une démarche semblable au Trésor de la langue, oeuvre-clé que le compositeur québécois René Lussier avait rendue publique avant celle-ci dans les années 80), cette pierre importante à l'édifice de Reich s'inspire des voyages en train qu'il effectuait, enfant, entre New York et Los Angeles où habitait chacun de ses parents divorcés. Ces déplacements avaient mené le compositeur juif à faire le parallèle avec les trains européens de cette même époque... qui l'auraient peut-être mené aux camps de l'Holocauste s'il avait vécu de l'autre côté de l'Atlantique. Le même programme de cette soirée comprendra aussi le Quatuor à cordes no 7 de Chostakovitch, autre oeuvre majeure il va sans dire. Par ailleurs, le pianiste québécois André Laplante et le Rolston String Quartet joindront leurs forces afin de proposer un programme consacré à Haydn, Tchaïkovski et Schumann.

À la salle Pollack de l'Université McGill, mardi 12 juin, 17 h (Steve Reich) et 20 h (avec André Laplante).

Classique, romantique, moderne: Quatuor de premières chaises... du New York Philharmonic

Pour la première fois au Canada et au Festival de musique de chambre de Montréal, le New York Philharmonic String Quartet compte faire honneur à sa réputation nouvellement taillée: constitué en janvier 2017, l'ensemble réunit les titulaires de quatre premières chaises du New York Philharmonic: Frank Huang, violon solo, Sheryl Staples, violon solo associé, Cynthia Phelps, alto solo, et Carter Brey, violoncelle solo. Au programme, les interprètes prévoient jouer le Quatuor à cordes en ré mineur, opus 76 no 2, de Haydn, le Quatuor à cordes no 9 en mi bémol majeur, opus 117, de Chostakovitch, ainsi que le Quatuor à cordes no 2 en ré majeur, de Borodine. À la salle Pollack, samedi 16 juin, 20 h.

Romantique, moderne: Sommet de violoncellistes

Directeur artistique du Festival de musique de chambre, Denis Brott constituera un ensemble (à géométrie variable) de violoncellistes pour clore son événement, ainsi que pour célébrer l'année du violoncelle, son instrument de prédilection. Seront réunis sur scène : Denis Brott, Rachel Mercer, Vincent Bergeron, Dominique Beauséjour-Ostiguy, Noémie Raymond-Friset, Chloé Dominguez, Pierre-Alain Bouvrette, Bruno Tobon, Sé Doo Grace Park, Soo Bae, Peter Wileym, Julia MacLaine, sans compter l'altiste Marcus Thompson et le violoniste Ilya Kaler. Le programme comprendra la première québécoise de Coffee Will Be Served in The Living Room, oeuvre pour huit violoncelles composée par la Canadienne Kelly-Marie Murphy. Tous les violoncellistes réunis joueront l'Hymne pour 12 violoncelles, op. 57 de Klengel et les Bachianas Brasileiras numéros 1 et 5 d'Heitor Villa-Lobos, avec la soprano Aline Kutan. Également au programme, le Requiem op. 66 pour trois violoncelles et piano (peut-être joué par six violoncelles) de David Popper, le Quatuor à cordes no 2 en la mineur d'Anton Arenski.

À la salle Pollack de l'université McGill, dimanche 17 juin à 15 h 30.

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Opéra contemporain: Clôture de la saison de la SMCQ avec un opéra de José Evangelista

Consacrée au compositeur montréalais José Evangelista, la 52e saison de la Société de musique contemporaine du Québec (SMCQ) se conclut avec la présentation de son opéra Manuscrit trouvé à Saragosse. L'oeuvre sera offerte en version concert, néanmoins mise en scène sobrement par Lorraine Pintal. Directeur artistique de la SMCQ, Walter Boudreau estime que cette oeuvre d'Evangelista est «un condensé de tout ce qui peut nous séduire et nous fasciner dans sa musique: un savant mélange de mélodies exotiques et contemporaines, mis ici au service d'un récit labyrinthique qui frôle le psychédélique. Une oeuvre aussi déjantée que raffinée». Les influences musicales sont gitanes, mauresques, juives et chrétiennes, s'y imbriquent les rencontres d'Alphonse Van Orden, effectuées lors d'un voyage initiatique dans le sud de l'Espagne. La musique balise ainsi le roman de Jan Potocki, adapté par Alexis Nouss dans le cas qui nous occupe. «L'intrigue est basée sur une mystification. L'ambiguïté entre réalité et apparence est présente partout», souligne José Evangelista. Accompagnés par les 10 musiciens de l'Ensemble de la SMCQ, les 30 personnages de l'opéra sont campés par 9 chanteurs - Jacques Arsenault, ténor, Marie-Annick Béliveau, mezzo-soprano, Michel Ducharme, baryton, Suzie LeBlanc, soprano, Bernard Levasseur, baryton, Dion Mazerolle, baryton, Monique Pagé, soprano, Vincent Ranallo, baryton, Michel Schrey, ténor.

Au Studio-Théâtre Alfred-Laliberté de l'UQAM, le jeudi 7 juin, 19 h 30.

Contemporain: La musique et les affinités sonores de Keiko Devaux présentées au NEM

Normand Forget et la jeune compositrice en résidence au Nouvel Ensemble Moderne, Keiko Devaux, ont ficelé une programmation d'oeuvres qui reflète ses affinités et intérêts; elle a elle-même sélectionné les oeuvres de cinq compositrices à différentes étapes de leur carrière. La matière au programme conduira le NEM à faire l'expérience d'un répertoire moins connu, projections à l'appui - conception de la compositrice et vidéaste Myriam Boucher. La direction du NEM sera confiée cette fois à la maestra Dina Gilbert. Au programme, donc: Lecture for Jo Kondo (1986), pour 4 instrumentistes, de l'Américaine Bunita Marcus; Ayre: Towed through plumes, thicket, asphalt, sawdust and hazardous air I shall not forget the sound of (2015), pour ensemble, de l'Israélienne Chaya Czernowin; Lichtbogen (1986), pour ensemble de 9 instrumentistes et électronique, de la Finlandaise Kaija Saariaho; Zusammen i (2014), pour 12 instrumentistes, de l'Irlandaise Jennifer Walshe; Concordanza (1971), pour 10 instrumentistes, de la Russe Sofia Gubaidulina, Ebb (2018, création), pour 15 instrumentistes, de la Canadienne Keiko Devaux.

Au Bain Mathieu, le vendredi 8 juin, 19 h 30.

Contemporain: Changement de contexte... 

L'ensemble à cordes collectif9 et le quatuor Architek Percussion ont uni leurs forces à celles de l'auteur et performeur montréalais Kaie Kellough afin de mettre au monde ce vaste projet intitulé Quelque part, mon jardin/my backyard somewhere. On se penche ici sur les notions de frontières, de sentiment d'appartenance à un lieu ou une communauté, du voyage et du retour chez soi. Cinq compositeurs ont été mis à contribution pour mener à bien ce chantier: Nicole Lizée, Derek Charke, Luna Pearl Woolf, Bret Higgins, Eliot Britton, dont les musiques portent des textes bilingues et s'accompagnent de projections multimédias. On sait que collectif9 est reconnu pour changer le contexte de la diffusion de la musique classique ou contemporaine en incluant l'éclairage et l'amplification à sa musique, aussi en se produisant dans des lieux normalement peu propices à la diffusion des oeuvres dites sérieuses.

À l'Usine C, le samedi 9 juin, 20 h.

Photo fournie par le FMCM

Denis Brott