Le chef d'orchestre Charles Dutoit fait l'objet d'allégations d'agression sexuelle par quatre femmes, selon une enquête publiée hier. À Montréal, où il a dirigé l'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) pendant près de 25 ans, le milieu oscille entre étonnement, silence et malaise.

«Trois chanteuses d'opéra et une musicienne accusent le chef d'orchestre Charles Dutoit d'agression sexuelle», rapporte l'article de l'Associated Press (AP), qui a interviewé ces femmes séparément. Elles prétendent avoir été retenues contre leur gré et affirment que «l'ancien directeur de l'OSM s'est collé contre elles, qu'il leur a parfois enfoncé sa langue dans la bouche et que, lors d'un incident, il a mis la main de l'une d'elles dans son pantalon».

La mezzo-soprano Paula Rasmussen affirme que l'homme de 81 ans l'a agressée à l'opéra de Los Angeles en 1991, et la soprano Sylvia McNair dit qu'il «a essayé d'avoir une relation avec [elle]» au Minnesota en 1985. Les deux autres femmes qui se sont confiées à l'AP ont préféré garder l'anonymat.

Tous ces événements se seraient passés entre 1985 et 2010 aux États-Unis. Charles Dutoit, actuellement chef d'orchestre principal de l'Orchestre philharmonique royal de Londres, n'a pas répondu aux demandes d'entrevue du journaliste de l'AP.

«Les femmes ont expliqué ne jamais avoir déposé de plainte formelle puisqu'elles étaient jeunes et que Dutoit était le "maestro", mais qu'elles ont été encouragées à parler par toutes ces femmes qui ont dénoncé les inconduites sexuelles d'hommes puissants dans d'autres industries.» - Extrait de l'enquête de l'Associated Press

«Le Metropolitan Opera de New York a suspendu le chef James Levine plus tôt ce mois-ci, dans la foulée d'allégations d'inconduite», peut-on lire dans l'enquête de l'AP.

Tous les musiciens québécois joints par La Presse hier ont préféré ne pas commenter la nouvelle. Mais personne ne semblait surpris, tous disant que ce n'était que le début de la vague dans le monde de la musique classique, deux semaines après les dénonciations contre James Levine. Le sujet est très délicat, et on préfère attendre plutôt que de réagir à chaud.

Réactions de l'OSM

À l'Orchestre symphonique de Montréal, la direction générale en poste depuis 2000 n'est au courant d'aucune plainte d'inconduite sexuelle contre M. Dutoit, a déclaré la directrice des communications de l'institution à La Presse.

Pour le reste, l'OSM préfère garder le silence pour le moment: «Les allégations se rapportent à des événements qui se sont produits à l'extérieur de l'OSM, il ne serait pas opportun pour nous de les commenter», a répondu Pascale Ouimet, chef des relations médias de l'OSM. Elle a toutefois ajouté: 

«Comme tout le monde, on prend connaissance [des allégations] avec étonnement en lisant les nouvelles», indique Pascale Ouimet, chef des relations médias de l'OSM.

Même son de cloche à la Guilde des musiciens et musiciennes du Québec (GMMQ) où il n'y a «pas eu de plainte à la Guilde contre Charles Dutoit ni de griefs déposés contre lui», nous a fait savoir la coordonnatrice principale des communications de l'organisme, Isabelle Brien, ajoutant qu'Émile Subirana, qui en était le président à l'époque (voir encadré), «est parti de la Guilde en emportant avec lui des documents».

À la Guilde, a écrit dans un communiqué le président actuel, Luc Fortin, «nous sommes extrêmement préoccupés par la situation et condamnons avec virulence ce type de comportement. La GMMQ souhaite réitérer son total soutien à tous les musiciens et musiciennes voulant dénoncer un cas de harcèlement, abus ou agression».

Finalement, la direction de l'Orchestre philharmonique royal de Londres a déclaré hier qu'elle allait parler à Charles Dutoit - qui est en vacances - dès que possible, mais qu'aucune plainte de conduite inappropriée avec l'orchestre n'avait été rapportée.

Elle a aussi souligné que les musiciennes en cause n'avaient pas porté plainte à la police, et a rappelé qu'elle «exigeait une conduite éthique irréprochable de tout son personnel. L'Orchestre philharmonique de Londres prend très au sérieux sa responsabilité de maintenir un climat de travail sûr».

- Avec la collaboration de Louise Leduc, La Presse