Les concerts consacrés à la musique de jeux vidéo comme The Legend of Zelda, Mario Bros., Final Fantasy ou Assassin's Creed se multiplient, au grand bonheur des gamers. Décryptage du phénomène, à la veille de La symphonie du jeu vidéo de Montréal offerte par l'Orchestre Métropolitain.

Depuis la création des productions Video Games Live, qui jouent les plus grands succès musicaux des jeux vidéo depuis 2005, des orchestres réputés comme le Philharmonique de Londres et l'Orchestre Métropolitain ont emboîté le pas. Montréal a même son propre Orchestre de jeux vidéo depuis bientôt 10 ans! Demain soir, La symphonie du jeu vidéo de Montréal célébrera les jeux créés dans les studios montréalais, dans le cadre du 375e anniversaire de Montréal; 120 choristes et 60 musiciens de l'Orchestre Métropolitain seront ainsi réunis à la salle Wilfrid-Pelletier et les spectateurs pourront non seulement reconnaître les trames sonores de jeux comme Assassin's Creed, Mass Effect, Lara Croft, Outlast et Hitman, mais certains pourront également jouer en direct! 

Durant 80 minutes, les amateurs entendront des extraits de 37 jeux conçus à Montréal, de tous les genres et de tous les styles musicaux (classique, électro, jazz, funk, etc.). L'événement compte également un volet interactif. Quelques spectateurs pourront jouer à un jeu pendant que l'orchestre suit l'action en temps réel.

Un phénomène en expansion

Selon Maxime Goulet, professeur de composition à l'Université de Sherbrooke, la popularité de tels concerts s'explique par l'attrait grandissant des jeux eux-mêmes.

«C'est la forme d'art qui génère le plus de profits de nos jours, plus que le cinéma! Tout ce qui en découle attire donc beaucoup de personnes. Et les trames sonores sont les produits dérivés qui ont la plus longue vie après la sortie d'un jeu, d'un film ou d'une série télé. Même si je ne joue plus à un jeu, je peux encore écouter sa musique.»

La nostalgie est sans contredit responsable de la popularité grandissante des concerts du genre. Ce n'est pas un hasard si l'Orchestre de jeux vidéo (OJV) a donné deux représentations de Nostalgeek à Montréal en juin dernier.

«Nos spectateurs ont parfois consacré 100 heures de leur vie à un jeu. Ils se sont laissé habiter par les personnages et la musique. C'est gravé dans leur mémoire», souligne le chef Jonathan Dagenais.

Un public geek et enthousiaste

Leur réaction est toujours très forte dès que les musiciens jouent des partitions de jeux des années 90 ou 2000.

«L'ambiance de nos concerts est comme celle d'un show rock. Ça se lance presque sur les murs! C'est la grande différence avec les traditions de concerts classiques», indique Jonathan Dagenais, qui dirige l'Orchestre de jeux vidéo.

La chef Dina Gilbert, qui dirigera l'Orchestre Métropolitain (OM) durant La symphonie du jeu vidéo de Montréal demain soir, croit d'ailleurs que la clientèle des concerts de jeux vidéo est unique.

«Ce ne sont pas les spectateurs qui viennent voir les autres concerts de l'OM, et c'est correct. Ils ont du fun à voir une partie du jeu reproduite en direct. Ils retournent ensuite à leurs consoles avec un sentiment différent et ils comprennent souvent mieux le travail des compositeurs.» 

Alors que Video Games Live attire une foule bigarrée avec ses pots-pourris, d'autres orchestres ciblent une niche bien précise, en jouant la musique d'un seul jeu comme Final Fantasy, d'une franchise comme The Legend of Zelda ou en offrant une soirée cosplay durant laquelle les spectateurs prennent l'allure de leurs personnages de jeux favoris. Dans tous les cas, les salles se remplissent presque sans effort.

Évolution majeure

Si les jeux vidéo ont longtemps été snobés et perçus comme un divertissement pour enfants, ils ont tranquillement acquis leurs lettres de noblesse. Et la musique elle-même s'est énormément transformée depuis l'époque de Pac-Man et de Mario Bros., selon Bénédicte Ouimet, superviseure musicale chez Ubisoft depuis 12 ans.

«Ça pourrait difficilement être plus différent ! Dans les jeux comme Pac-Man, il y avait une petite carte mémoire pouvant contenir 12 sons, ce qui nous obligeait à enlever les hautes fréquences trop volumineuses. Ça sonnait un peu étouffé. Maintenant, il n'y a pas de restrictions d'espace et on peut faire appel à des orchestres complets!»

Elle évoque également la plus grande subtilité des compositions. «Il y a quelques années, la musique débutait quand un combat commençait et se terminait de façon prévisible à la fin. Maintenant, on essaie de camoufler les mécaniques. C'est beaucoup moins fatigant à l'oreille.»

La musique évolue désormais en fonction de la performance des joueurs. «Comme un joueur peut rester deux heures dans un espace, il ne doit pas entendre la même boucle musicale de deux minutes, dit le professeur Maxime Goulet. On privilégie une musique générative, avec des extraits d'accompagnements et de mélodies en mode aléatoire qui donnent l'impression d'avoir toujours droit à de la nouvelle musique.»

PHOTO BERNARD BRAULT, LA PRESSE

Certains spectateurs profitent de l'ambiance musicale pour jouer en direct.