À 40 ans, Vasily Petrenko a encore l'aura du jeune chef incarnant l'avenir de la musique classique. Particulièrement à Montréal? Depuis quelques années, les rumeurs de l'intérêt porté à son sujet par l'OSM à titre de prochain directeur artistique et maestro se sont multipliées... puis se sont atténuées. On sait que le contrat de maestro Nagano a été prolongé jusqu'à 2020 et qu'il pourrait l'être davantage, d'après nos sources.

Cela étant, le chef russe de nouveau invité par l'OSM entretient une excellente relation avec l'orchestre montréalais et son public.

«L'OSM est un très bon orchestre, voilà mon impression première», lance Petrenko, joint dans sa ville natale de Saint-Pétersbourg, qu'il visite à l'occasion.

Directeur artistique de l'Orchestre philharmonique royal de Liverpool et de l'Orchestre philharmonique d'Oslo, le maestro passe les deux tiers de l'année à diriger en Angleterre et en Norvège, et consacre le troisième tiers à ratisser la planète classique en tant que chef invité. Quant à la possibilité de diriger l'OSM en permanence...

«Nous verrons, un jour peut-être, laisse-t-il tomber. Quoi qu'il advienne, je veux conserver un lien solide et pérenne avec Montréal, son orchestre, son public, sa salle exceptionnelle.»

«Revenir chez vous est pour moi un grand plaisir! J'essaie d'y faire de mon mieux chaque fois qu'on m'y invite.»

Et comment compte-t-il faire durer le plaisir, trois soirées durant?

«Lorsqu'on est invité par un orchestre, répond-il, on essaie de s'assurer de partager les mêmes idées sur les oeuvres à exécuter. Cela devient une expérience unique lorsqu'un orchestre peut compter sur vous pour élever le discours et partager les mêmes visions. Des choses extraordinaires peuvent alors se produire. Il faut s'approcher le plus possible du texte originel, tout en donnant une personnalité à l'interprétation. Nous ne sommes quand même pas au musée!»

Dans cette optique, la direction de Vasily Petrenko évacue tout autoritarisme.

«Du grand professeur Ilya Musin qui m'a enseigné, je garde ce principe fondamental: le son vient de l'orchestre, la mission du chef est de l'aider. Individuellement et collectivement, j'aide les musiciens afin qu'ils révèlent leurs plus grandes qualités. Et ce processus n'a pas de fin: j'essaie chaque jour d'être meilleur que la veille.»

Citoyen du monde

Quant à l'angle identitaire de sa facture, le maestro se montre nuancé.

«Bien sûr, j'ai reçu mon éducation en Russie, le répertoire de mon pays natal m'est très cher, mais je me sens tout aussi à l'aise avec les autres répertoires, allemand, anglais, scandinave, etc. J'avais 18 ans, j'avais tenté de dresser une liste des compositeurs dont je voulais diriger les oeuvres et... je m'étais arrêté à la lettre K parce qu'il y en avait trop pour le temps d'une vie!»

On comprendra que Vasily Petrenko suit la trajectoire d'un citoyen du monde.

«Je suis Russe, mais je me sens bien au Royaume-Uni comme en Norvège. Le monde est petit aujourd'hui! D'où tu viens importe de moins en moins ; ce que tu es importe de plus en plus. Où que tu sois, les considérations humanitaires, la quête de paix et d'harmonie l'emportent.»

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Ce soir, demain et samedi, à la Maison symphonique. Vendredi, à 14 h, Vasily Petrenko dirigera aussi une répétition publique de l'Orchestre symphonique du Conservatoire de musique de Montréal.

Photo fournie par l’OSM 

Le chef d'orchestre Vasily Petrenko dirigera l'Orchestre symphonique de Montréal ce soir, demain et samedi, à la Maison symphonique.

Au programme du maestro

> Johannes Brahms, Symphonie no 1 en do mineur, op. 68

(Au programme des trois soirs)

«Brahms avait mis plusieurs années pour créer sa première symphonie, il voulait proposer une oeuvre d'une grande maîtrise et ainsi se démarquer de Beethoven, qui était alors LA référence. Il avait vécu une existence difficile pendant ce processus créatif, ce qui en confère une profondeur supplémentaire. J'espère avoir acquis assez de bagage pour trouver enfin la satisfaction dans ma direction de cette oeuvre. Brahms demeure néanmoins l'un de mes compositeurs préférés en tant que chef. Je prévois d'ailleurs diriger le cycle complet de ses symphonies à Liverpool, tandis d'autres oeuvres de son cru sont prévues à Oslo.»

> Plages, de Serge Garant

(Au programme des trois soirs)

Inscrit dans le cadre du festival Montréal Nouvelles Musiques, l'OSM exécutera Plages, une oeuvre de feu Serge Garant, qui a été le premier grand compositeur et porte-parole québécois de la musique contemporaine.

«Chaque orchestre symphonique a le devoir de présenter les compositeurs nationaux de son époque et de faire vivre leur musique. Je le fais régulièrement en Angleterre comme en Norvège, nous avons récemment joué un concerto pour violon de Henning Sommerro et une oeuvre d'Emily Howard, originaire de Liverpool. Quant à la musique de Garant, elle me rappelle l'école de Pierre Boulez dans le ton, dans les références sonores, dans l'usage des différentes sections de l'orchestre.»

> Erich Wolfgang Korngold, Concerto pour violon en ré majeur, op. 35

(Au programme ce soir)

«Korngold est un compositeur sous-estimé du XXe siècle. Il provient de l'école de Vienne et s'est ensuite installé en Amérique, où il a été l'un des premiers à écrire pour le cinéma hollywoodien, à l'instar de Max Steiner. En outre, il était un compositeur très sérieux ! Ses oeuvres révèlent de grandes qualités dans le ton et la mélodie, elles se rapprochent de Rachmaninov, d'une certaine façon. On trouve aussi des références aux harmonies blues et jazz dans son travail. À Montréal, je souhaite bonifier son exécution avec le jeune violoniste Blake Pouliot, dont on m'a dit beaucoup de bien.»

Rappelons que le virtuose canadien, âgé de 22 ans, est le vainqueur du Grand Prix 2016 du Concours OSM Manuvie.

> Robert Schumann, Concerto pour piano en la mineur, op. 54

(Au programme demain et samedi)

«Voilà sans contredit l'un des plus grands concertos pour piano et orchestre de tout le répertoire classique, tant pour la qualité de l'interaction fusionnelle entre le soliste et les musiciens, aussi dans le jeu des différences sections, dans la transparence orchestrale. Le lien entre le piano et l'orchestre y est si intime qu'il en reste une impression de musique de chambre. Le soliste invité, Javier Perianes, est très connu et très compétent; méticuleux, attentif aux détails les plus infimes.»

> Répétition publique de l'Orchestre symphonique du Conservatoire de musique de Montréal

(Vendredi, 14 h)

«Je m'intéresse beaucoup à la génération montante des interprètes classiques, ainsi qu'aux futurs maestros. Partout où je suis invité, je suis prêt à contribuer à la formation des musiciens. Je m'y applique, car il faut relancer l'intérêt pour la musique classique en passant par les jeunes générations, à défaut de quoi les auditoires finiront par déserter les concerts au cours des prochaines décennies.»