L'OSM lançait sa 83saison hier soir avec les Carmina Burana, une oeuvre parmi les plus connues et appréciées du répertoire. Tant ce choix judicieux de présenter une valeur sûre que l'interprétation percutante que Kent Nagano et ses musiciens en ont donnée ont fait de ce concert le début de saison dont on rêvait depuis des années.

Enfin, pour ce cinquième anniversaire de l'ouverture de la Maison symphonique, on a mis de côté les longues oeuvres exigeantes pour servir un cadeau au public. Alors que les concerts de lancement des années précédentes - Roméo et Juliette de Berlioz en 2014 et l'interminable Pelléas et Mélisande de Debussy l'an dernier - empesaient l'atmosphère et demandaient beaucoup d'efforts à l'auditeur déjà épuisé par la course folle de la rentrée, cette fois, on est ressorti de la Maison symphonique avec l'impression d'avoir reçu une dose d'énergie par intraveineuse. 

On ignore à quel élixir de jeunesse Kent Nagano a bien pu s'abreuver pendant les vacances, mais il a réussi à transmettre la magie de cette fontaine miraculeuse à son orchestre et au public, pour notre plus grand plaisir.

Le chef aborde la partition avec une vigueur exceptionnelle, ne laissant jamais le discours musical s'attarder: il faut que tout avance, danse et rebondisse. Les tempi sont rapides, en particulier dans le célèbre O Fortuna, mouvement que tout le monde connaît. Choristes et musiciens semblent jongler avec le rythme, tout est ardeur et élan, l'effet est explosif. On redécouvre le côté plus incisif de l'oeuvre grâce à cette interprétation décapée de la lourdeur théâtrale superflue que l'on peut sentir dans bon nombre de versions plus anciennes, sur disque. Cette approche jubilatoire et renouvelée des Carmina Burana nous semble plus proche de l'esprit joyeux et bon enfant qui les caractérise et qui veut célébrer l'ivresse et la gloutonnerie.

Du côté des solistes, la voix cristalline d'Aline Kutan est sublime, comme à son habitude. La soprano, vêtue de rouge comme la jeune fille qu'elle incarne, connaît son rôle par coeur et ne s'encombre pas d'une partition. Le baryton Russell Braun, expressif et doté d'un beau timbre de voix, manque malheureusement un peu de puissance et de présence scénique. Frédéric Antoun fait plutôt bonne impression sur le plan vocal, mais il aurait pu jouer davantage le côté comique de son personnage, un cygne qui tourne sur sa broche avant d'être mangé. Quant au choeur, il a du mordant et se montre particulièrement bien préparé par les bons soins d'Andrew Megill.

Le tout, sans entracte, s'est terminé à 20 h 25, applaudissements inclus. On a vu de nombreuses longues ovations debout à la Maison symphonique, mais celle qui a éclaté après la dernière note était particulièrement enthousiaste et a duré cinq bonnes minutes. Cela a donné le temps au chef et aux solistes de revenir saluer sur scène plusieurs fois, récoltant un amour qu'ils avaient bien mérité.

Le même programme sera donné ce soir à 20 h et samedi à 14 h 30 et à 20 h.