Un poids lourd. C'est ce que nous avions sur le coeur en sortant des Feluettes à l'Opéra de Montréal, mardi soir. L'opéra de Kevin March, basé sur la célèbre pièce de Michel Marc Bouchard, est une oeuvre forte et exigeante qui demande au spectateur d'être ouvert d'esprit et attentif. Une production ambitieuse, riche sur le plan artistique, mais oppressante.

Au départ, la pièce de Michel Marc Bouchard portait déjà tous les ingrédients d'un opéra : amour, conflit, violence et drame.

C'est aussi une pièce riche en symboles, en références et en niveaux d'interprétation, en plus d'être complexe par son recours aux récits emboîtés. L'ajout d'une couche musicale foisonnant d'idées et d'une mise en scène surchargée fait de cette adaptation des Feluettes un opéra qui est tout sauf léger.

La concentration du spectateur doit être à son maximum pour pouvoir absorber un spectacle à l'ambiance lourde qui le sollicite sans répit, comme si ses artisans avaient tellement de choses à dire et à montrer qu'ils n'avaient pas pu se résoudre à épurer.

S'ils voulaient nous en mettre plein la vue, c'est mission accomplie, mais trop, c'est trop. L'orchestre est sur scène au lieu d'être dans la fosse, ce qui ajoute à l'encombrement.

On en ressort avec l'impression d'avoir été bombardé d'informations pendant deux heures. Nous plaignons ceux qui n'ont vu ni la pièce ni le film et ne sont pas au fait de l'intrigue, car le livret et la mise en scène, avant tout poétiques, ne sont pas des plus limpides pour aider à suivre le fil du récit. Un conseil : lisez le synopsis avant.

Accessibilité

Personne ne peut nier que la musique de Kevin March est très belle et par moments envoûtante. Elle est aussi accessible. On doit cependant reconnaître qu'elle n'est ni innovatrice ni très originale, car elle emprunte énormément aux compositeurs et aux styles du passé en s'articulant autour de plusieurs thèmes récurrents savamment travaillés et repris de différentes façons.

Le compositeur connaît son métier. On y reconnaît des relents de Debussy, de Stravinsky et bien d'autres. Il y a même une valse dont la mélodie nous restera en tête pendant des heures.

Dans un contexte où l'objectif des maisons d'opéra d'envergure est de rejoindre le plus vaste public possible pour remplir d'immenses salles, on ne peut pas leur reprocher d'opter pour une musique relativement accessible, laissant la musique expérimentale aux compagnies d'opéra dont c'est la vocation d'explorer de nouvelles frontières.

Les interprètes sont excellents. Étienne Dupuis est convaincant dans le rôle de Simon tandis que Jean-Michel Richer est très émouvant en comte Vallier de Tilly. De tous les chanteurs, c'était lui qui avait le plus à gagner en jouant dans cet opéra. Il a relevé le défi d'un rôle difficile avec brio. Le plus beau moment de l'opéra est sans doute le passage où il lit sa lettre d'amour à Simon, chantant un air magnifique qui sera repris plus tard sous forme de duo et ensuite, avec choeur. Ces choeurs sont d'ailleurs l'un des apports les plus intéressants de la partition. Mention particulière au baryton Aaron St.Clair Nicholson, magique dans le rôle de la comtesse de Tilly.

Les décors, éclairages et costumes sont magnifiques et l'utilisation de dispositifs comme des projections, un ballon gonflé à l'hélium ou d'immenses draps en mouvement est ingénieuse. En résumé, Les feluettes est un opéra réussi qui transmettrait mieux son message en étant présenté un peu plus simplement.

Les feluettes

Composé par Kevin March

D'après la pièce de Michel Marc Bouchard

Mis en scène par Serge Denoncourt

Aujourd'hui et samedi, à la salle Wilfrid-Pelletier de la Place des Arts