Comme s'ils s'étaient passé le mot, le New York Times et le Los Angeles Times ont déploré tour à tour, dans des critiques très louangeuses, que l'OSM et son chef Kent Nagano ne soient pas invités plus souvent dans les deux grandes villes américaines.

« Une date pour l'OSM avec un chef et un soliste éblouissants [le jeune pianiste virtuose russe Danill Trifonov, dont Kent Nagano nous assure qu'on va le revoir avec l'OSM] semble être non seulement une évidence, mais une nécessité », a écrit Mark Swed dans le quotidien de Los Angeles.

Pourquoi l'OSM n'a-t-il pas joué à Los Angeles même, au Disney Hall qui était disponible en l'absence du Los Angeles Philharmonic ? a même demandé Swed qui a dû se rendre à Santa Barbara, à trois heures d'autoroute de Los Angeles dans les embouteillages monstres du sud de la Californie, pour entendre l'orchestre montréalais jeudi. Un concert triomphal donné par un orchestre à la santé éblouissante, a-t-il écrit.

 « L'orchestre n'a pas seulement retrouvé sa gloire d'antan, mais une nouvelle gloire. »

On se demande jusqu'où le critique américain aurait poussé le dithyrambe s'il avait assisté le lendemain au concert dans la rutilante petite salle en bois du Green Music Center de Sonoma, administré par nul autre que Zarin Mehta, qui fut le directeur général de l'OSM durant les années 80. Au sortir de ce concert survolté, les musiciens avaient un sourire béat qui en disait long sur le plaisir qu'ils avaient éprouvé à s'entendre jouer sur scène. Le public, lui, en redemandait.

« Pouvez-vous croire que l'acoustique de cette salle est contestée ? Certains la disent un peu trop sèche, un peu trop dure, mais vous avez entendu mes collègues de l'OSM, nous a dit Kent Nagano le lendemain matin. J'ai fait quelques petits ajustements et on a fait sonner cette salle comme la Maison symphonique ! »

Le chef ajoute du même souffle qu'au fil de ces dix concerts aux États-Unis, il n'a pas vu de salle supérieure à la Maison symphonique : « Carnegie Hall est intéressant, le Boston Symphony aussi, mais la Maison symphonique reste une des grandes salles en Amérique du Nord et dans le monde entier. »

Planter des semences

C'est par choix que l'OSM s'est fait rare aux États-Unis, où sa dernière tournée majeure remontait à 1989, affirme Kent Nagano. À cause du déficit accumulé de l'OSM, il fallait lui assurer une stabilité financière lui permettant de s'épanouir davantage. Et puis les invitations se font de plus en plus rares aux États-Unis, où les coûts associés à une tournée sont très élevés et où des orchestres ont fait faillite.

Surtout, Kent Nagano voulait que son orchestre retourne aux États-Unis quand il aurait vraiment quelque chose à dire. Comme le suggérait le tromboniste Pierre Beaudry, l'OSM a planté des semences en prévision d'une tournée américaine, ce que confirme à mots couverts le maestro. 

« On vient de faire une forte impression aux États-Unis, on le lit dans les journaux, mais c'est déjà hier. Il faut aller plus loin et c'est pour ça qu'on élabore un prochain projet depuis un certain moment », a dit Kent Nagano.

Il n'en dira pas davantage. Ce que l'on sait, par contre, c'est qu'il n'y aura pas de tournée de l'OSM l'an prochain, l'orchestre préférant se consacrer à la célébration des anniversaires de Montréal et du Canada. D'autres projets seront annoncés dans le cadre de ces festivités, dont au moins un événement majeur, nous dit le maestro.

Samedi soir, Kent Nagano a remercié les 118 musiciens de son orchestre qui ont fait un succès de cette tournée exténuante de 10 concerts en 13 jours, rappelant qu'ils avaient donné trois autres concerts juste avant leur départ de Montréal. Jeudi, ils ont fait un voyage interminable en car de San Diego à Los Angeles puis à Santa Barbara, où ils sont arrivés juste à temps pour la répétition. Mais une fois le concert commencé, rien n'a paru de leur fatigue pourtant bien réelle.

« Évidemment, c'est toujours mieux d'avoir un peu plus de temps, mais on ne l'a pas, nous a dit Kent Nagano samedi. Des artistes ne doivent jamais faire de compromis sur la qualité, mais il ne faut jamais non plus qu'ils aient peur de repousser leurs limites. [...] C'est comme les athlètes, en affaires ou dans toutes les professions : si on privilégie le confort, c'est beaucoup plus difficile d'atteindre un niveau supérieur. »

photo Geneviève Dion, fournie par l'OSM

Le Granada Theater de Santa Barbara a accueilli l'OSM jeudi dernier.