Ils sont 80 musiciens provenant de 25 pays. Cet été, les membres de l'Orchestre de la Francophonie et du YOA Orchestre des Amériques jouent ensemble et prouvent que l'on peut poursuivre un but commun malgré les barrières culturelles. Pour eux, ce but est non seulement de faire de la musique, mais aussi d'en faire un outil de changement social.

Avec l'Orchestre de la Francophonie, qu'il a fondé il y a 14 ans, Jean-Philippe Tremblay dirige chaque été des musiciens de sept ou huit pays. Cette année, son orchestre a conclu une alliance avec le YOA Orchestre des Amériques, invité au Canada par les Jeux panaméricains, pour réaliser une tournée commune et partager leurs activités pédagogiques, dont deux semaines passées au Centre d'arts Orford. À n'en point douter, les deux orchestres ont des atomes crochus, et pas seulement parce qu'il s'agit d'orchestres de jeunes.

«Tous les deux donnent un exemple de ce que l'on peut faire quand plusieurs pays travaillent ensemble. Il y a une philosophie d'égalité dans les idées et d'écoute des autres», souligne Mark Gillespie, directeur général du YOA.

Les deux orchestres ont une mission sociale et travaillent à rendre la musique classique plus accessible, en plus d'en faire un outil de développement pour les jeunes.

L'OF collabore depuis quelques années avec le Garage à musique, un projet pédagogique et de pédiatrie sociale chapeauté par la Fondation du Dr Julien. Au cours des prochaines années, il compte également s'inspirer du programme des «Global leaders» du YOA, qui envoie d'anciens membres enseigner un peu partout.

«Nous voulons envoyer nos anciens en missions musicales, en s'orientant vers des pays francophones où nos jeunes vont enseigner dans de petites académies musicales où ils pourront faire une différence, dit Jean-Philippe Tremblay. Par exemple, en passant une semaine en Haïti ou à Kinshasa, en République démocratique du Congo. On s'intéresse à Kinshasa parce que plusieurs musiciens à l'OF venaient de là par le passé. Ils ont même lancé un orchestre dans leur pays; c'est extraordinaire. On veut choisir des endroits qui ont décidé de faire de la musique un outil social et non un divertissement pour une élite.»

Musique pour tous

Le YOA comporte lui aussi un important volet social et se fait un devoir d'inclure au moins un musicien de chaque pays des Amériques en son sein.

«On connaît le grand mouvement social d'enseignement de la musique qui change la vie des jeunes au Venezuela, en Colombie, au Chili, dit Mark Gillespie, directeur général du YOA. Mais les problèmes sociaux existent aussi au Canada, aux États-Unis. C'est pour ça que nous avons passé une partie de l'été en résidence pédagogique à Moncton, au Nouveau-Brunswick, pour travailler avec Sistema Nouveau-Brunswick, qui a aussi pour but d'aider les jeunes à réaliser leur potentiel.»

L'an dernier, le YOA a réalisé une tournée dans les Caraïbes, sous la direction du chef mexicain Carlos Miguel Prieto, son directeur musical depuis six ans.

«C'est non seulement un orchestre composé de musiciens des Amériques, mais il joue aussi partout dans les Amériques, dit le chef d'orchestre. Nous avons visité Haïti, un pays presque complètement ignoré par les compagnies artistiques. Bien sûr, ils n'ont pas les infrastructures nécessaires pour faire des concerts. Mais partout où nous allons en tournée, nous passons une partie de notre temps à visiter des endroits qui, autrement, n'auraient aucun accès à des concerts.»

Tournée canadienne

Jean-Philippe Tremblay, Jean-François Rivest, directeur du Centre d'arts Orford, et Carlos Miguel Prieto ont travaillé ensemble pour organiser ces deux mois d'activités musicales et sélectionner, parmi plus de 1000 candidats, les 80 musiciens qui auraient la chance de participer à cette tournée estivale conjointe allant du Nouveau-Brunswick à Toronto en passant par le Québec.

«Je connaissais déjà le YOA Orchestre des Amériques, car j'y avais été chef invité, dit Jean-Philippe Tremblay. Quand ils m'ont appris qu'ils venaient aux Jeux panaméricains, j'ai lancé l'idée de travailler ensemble. Ç'a été tout un casse-tête logistique, mais on peut dire qu'on n'aura jamais eu un été aussi enrichissant et complet pour les participants. Certains musiciens ne parlaient ni anglais ni français, mais on a réussi à se comprendre en faisant passer la musique avant tout.»

Jean-Philippe Tremblay souffrant d'une blessure au dos, le concert que devait donner l'orchestre à la Maison symphonique lundi soir a été annulé. Cependant, le reste de la tournée est maintenu. Il sera remplacé à Orford par Jean-François Rivest. Les autres concerts seront dirigés par Carlos Miguel Prieto.

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> Samedi soir, 19 h 30, à l'Espace Théâtre de Mont-Laurier, dans le cadre du Festival classique des Hautes-Laurentides

> Dimanche, 14 h, au Festival de Lanaudière

> Le 30 juillet, 19 h, à l'église Saint-Vital, à Lambton

> Le 31 juillet, 20 h, au Festival Orford

> Le 1er août, 20 h, au Domaine Forget

> Le 2 août, 15 h, au Domaine Forget

PHOTO OLIVIER JEAN, ARCHIVES LA PRESSE

Le chef de l'Orchestre de la Francophonie Jean-Philippe Tremblay

Une amitié nord-sud

Tous les musiciens de l'Orchestre de la Francophonie et du YOA Orchestre des Amériques ont quelque chose en commun au-delà de leur talent: ils profitent d'une expérience dont ils se souviendront toute leur vie. Voici ce que quatre d'entre eux ont voulu partager.

Jessy Dubé

26 ans, Saguenay

Violon-solo associé

« J'ai fait le YOA Orchestre des Amériques pour la première fois en 2010 et ça a changé ma vie. Grâce à cette expérience, j'ai pu aller étudier en Europe par la suite. Ça a aussi changé ma vision musicale. Nous avons passé un mois à donner des concerts gratuits en Colombie et, la plupart du temps, il y avait plus de 2000 personnes, dont la majorité n'avait jamais assisté à un concert. Leur enthousiasme était incroyable et ça faisait du bien, parce qu'ici, on entend toujours parler d'austérité et il faut quasiment se battre, comme musiciens, pour avoir le droit d'exister. Je trouve essentiel d'amener la musique classique à un nouveau public et c'est ça, l'esprit du YOA. »

Jesus Alberto Saenz Levano 

26 ans, Lima, Pérou

Violon

« Je viens du Pérou, mais j'étudie au Texas depuis neuf ans, car, dans mon pays, mon apprentissage plafonnait. À mon avis, le YOA Orchestre des Amériques réunit ce qu'il y a de mieux dans les Amériques. D'un côté, on a l'excellent sens de l'organisation et l'efficacité de l'Amérique du Nord et, de l'autre, ce côté plus social et passionné que l'on retire du Sud. Le fait d'être avec l'Orchestre de la Francophonie cette année nous a permis de travailler avec de nouveaux chefs et d'apprendre davantage. Je trouve que l'ambiance, au Canada, est très apaisante, même dans une grande ville comme Montréal, où l'on se sent en sécurité partout. »

Julie Lynne Rochus

29 ans, Aylmer, Ontario

Cor français

« En musique classique, tout est souvent une question de perfection. En jouant avec des musiciens d'Amérique latine, on se concentre davantage sur la collaboration. Cela nous rappelle aussi à quel point la musique peut être une source d'amusement. Nous visons quand même l'excellence, mais il y a quelque chose de plus. Les musiciens latinos jouent souvent d'autres musiques en parallèle, comme de la salsa ou de la musique mariachi, et sont d'excellents improvisateurs. En les côtoyant, on découvre d'autres aspects de notre instrument et cela permet de sortir de notre zone de confort. »

Ivan Javier Valbuena Paez

29 ans, Bogotá, Colombie

Clarinette

« C'est ma première visite au Canada, mais mon quatrième stage avec le YOA Orchestre des Amériques. En Colombie, il n'y a pas beaucoup de possibilités de jouer dans un orchestre professionnel, car il n'y en a que trois au pays. Il y a donc très peu d'emplois pour les clarinettistes. Au sein du YOA, je côtoie les meilleurs jeunes musiciens et j'ai voyagé partout dans les Amériques pour jouer et enseigner avec leur programme «Global leaders». Grâce au réseau de contacts que j'ai établi, j'ai pu aller étudier deux ans à Boston, où j'ai eu la change d'être logé chez un membre du conseil d'administration de l'orchestre. »