Ce programme semble durer une éternité. Tout d'abord, parce que les oeuvres qui le composent sont, ou bien interminables, ou bien jouées d'une manière peu satisfaisante. Il faut aussi compter dans cette durée de plus de deux heures non seulement l'entracte habituel mais encore le préambule de Marc Hervieux sur les musiciens dans le besoin (!) et le baratin du chef invité Lawrence Foster sur Enesco.

Dans ce dernier cas, on regrette qu'il n'y ait personne dans la salle pour crier «En français!». M. Foster a dirigé et dirige encore en France. Il doit donc connaître la langue du pays. Pourtant, à Montréal, non seulement parle-t-il uniquement en anglais, mais il ne s'en excuse même pas. Quelle ignorance de la courtoisie la plus élémentaire!

D'origine roumaine, et donc lointain compatriote d'Enesco (ou Enescu, selon l'orthographe originale), le chef américain revient pour diriger, de ce dernier, la Suite villageoise. Pour des raisons inconnues, son exposé omet deux détails importants: a) il signa en 1984 l'un des rares enregistrements de cette troisième Suite d'orchestre; b) il dirigea à l'OSM en 1992 la première Symphonie d'Enesco que le compositeur lui-même avait dirigée au Plateau en 1946. Ces deux éléments eurent certainement enrichi un bla-bla-bla qui prenait l'allure d'une véritable conférence.

Sur ladite Suite villageoise, rien d'autre à dire que ses cinq mouvements totalisent 28 minutes et qu'elle est fort ennuyeuse, malgré son petit effet de hautbois juché sur les hauteurs de la salle. On se surprend même à préférer la suite Atayoskewin, celle-là en trois mouvements et 23 minutes, de l'Albertain Malcolm Forsyth.

Cette musique très conservatrice rappelle Britten et Copland, un peu trop Copland même, mais l'évocation des bruits de la nature et des grands espaces y est très réussie, et d'autant plus que M. Foster y met toute son âme et que l'orchestre lui répond magistralement.

Présentée par l'OSM comme «l'étoile du violoncelle» (comme si elle était la seule dans son domaine), Alisa Weilerstein en robe rouge feu aborde Schelomo de Bloch comme le Dvorak en 2012, c'est-à-dire avec des maniérismes qui enlèvent toute sincérité et toute densité à son discours. Sa sonorité reste toujours très belle cependant, surtout au grave. Derrière elle, l'orchestre fait un vacarme épouvantable... mais la partition le veut ainsi. Quand même, quelques flottements ici et là indiquent qu'une répétition supplémentaire n'aurait pas nui.

Il est près de 22 h et on en a entendu assez. Mais non, voici, comme sorti de nulle part, un Apprenti sorcier de Dukas découvrant un orchestre quelque peu fatigué après une telle soirée. Des étudiants en direction traversent cette pièce par coeur. M. Foster, lui, a la tête dans la partition et, tel le personnage du titre, cherche à mettre de l'ordre dans ce qui se passe devant lui sans toujours y parvenir.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: Lawrence Foster. Soliste: Alisa Weilerstein, violoncelliste. Mercredi soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise jeudi, 20 h. Séries Grands Concerts.

Programme:

Atayoskewin (1984) - Forsyth

Schelomo, pour violoncelle et orchestre (1917) - Bloch

Suite no 3, en ré majeur, op. 27 (Suite villageoise) (1939) - Enesco

L'Apprenti sorcier (1897) - Dukas