D'abord présenté ici par Pro Musica en 2010 et passant maintenant au LMMC, le Jerusalem Quartet confirme ce que nous savons déjà par maints exemples, à savoir que le monde musical connaît présentement un véritable âge d'or du quatuor à cordes. Un phénomène d'autant plus réconfortant que ces nouveaux ensembles réunissent des musiciens qui, bien que jeunes, se consacrent à l'exigeante discipline du quatuor avec non seulement la formation technique la plus complète mais encore et surtout avec un sérieux, une passion et une dimension d'interprètes où ils rejoignent les plus grands ensembles de l'histoire.

Sur scène, les quatre musiciens du Jerusalem s'effacent derrière la musique; ils se limitent aux gestes essentiels et font même oublier qu'ils sont là. Tout est axé sur la musique et sa reconstitution la plus complète.

Formé en 1993 et n'ayant connu aucun changement d'effectifs, le Jerusalem joue d'abord le K. 387 de Mozart, premier des six «quatuors à Haydn». Dès la première mesure, l'attaque est d'une fermeté et d'une justesse qui seront maintenues jusqu'à la fin. Une nouvelle fraîcheur habite un premier mouvement au tempo allant où rien ne traîne. Partout, l'absolue clarté de chacune des quatre voix réunies souligne maints détails, comme d'infimes frottements, que cachaient des lectures ordinaires. Enfin, cette musique, notamment la fugue finale, donne tour à tour la parole à chacun des coéquipiers et découvre, dans chaque cas, un technicien accompli et un vrai musicien. Un Mozart aussi parfait ne laisse aucun doute : voici un très grand quatuor.

Plutôt qu'une oeuvre de son pays, le Jerusalem a choisi le De ma vie de Smetana où le compositeur tchèque évoque des épisodes heureux, comme ses amours de jeunesse, mais aussi la surdité qui brisa son existence. La polka est «dansée» par un alto étonnamment vigoureux qu'on souhaiterait voir montrer à certains de nos locaux comment produire un vrai son sur leur instrument. Mais on aimerait aussi plus de tension encore au finale marqué par cette épreuve que Smetana partagea avec Beethoven.

Comme troisième et dernière oeuvre, les visiteurs revenaient au grand Quatuor D. 810 que Schubert a conçu autour de son lied Der Tod und das Mädchen, ou La Jeune fille et la Mort, soumis à cinq variations. Malgré l'étonnante omission de la longue reprise au premier mouvement, l'exécution totalisera 42 minutes et, surtout, laissera une impresssion absolument troublante. Le thème du lied se déroule comme à mi-voix et dans une sorte de lenteur apaisante à laquelle contrastera une bouleversante danse macabre finale où toutes les voix s'imitent ou se heurtent.

La salle ovationne, debout, mais comprend qu'il n'y aura pas de rappel. Les musiciens reviennent en scène, saluent simplement et se retirent. Il faudrait être cabotin pour ajouter quoi que ce soit à un tel Schubert!

JERUSALEM QUARTET 

Alexander Pavlovsky et Sergei Bresler (violons), Ori Kam (alto) et Kyril Zlotniko (violoncelle). Dimanche après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill.

Présentation : Ladies' Morning Musical Club.

Programme : 

Quatuor no 14, en sol majeur, K. 387 (1782) - Mozart 

Quatuor no 1, en mi mineur (Z mého zivota) (1876) - Smetana 

Quatuor no 14, en ré mineur (Der Tod und das Mädchen), D. 810 (1824) - Schubert