À l'opéra, Roberto Alagna doit tout. «Grâce à lui j'ai pu évoluer, m'instruire, m'exprimer, partager, surmonter les difficultés», explique le ténor français qui rend hommage à son art dans un disque où les morceaux choisis sont le reflet sa vie.

«Un énième disque d'opéra, pourquoi faire? Celui-ci a quelque chose de plus. C'est une rétrospective. Non seulement de ma carrière, mais aussi de ma vie», résume Roberto Alagna dans un entretien à l'AFP.

Débordant d'énergie, à 51 ans, père pour la seconde fois depuis quelques mois, le ténor égrène les actes de sa vie dans Ma vie est un opéra, dans les bacs lundi en France.

Ainsi, le choix de l'extrait de Manon Lescaut de Puccini (Ah Manon, tu me trahis...), choisi en ouverture, entre-t-il en résonance avec une mésaventure autobiographique liée à l'oeuvre elle-même.

«Je me trouve à Turin en 2006 pour chanter cet opéra de Puccini. À la répétition, j'ai un malaise et me retrouve à l'hôpital, contraint d'abandonner ce rôle que je n'ai plus chanté depuis», se souvient le ténor.

Autre exemple, plus intime, plus douloureux encore. «Que ferai-je sans Eurydice...». «À 29 ans, ma première épouse décède, elle s'en va. Je trouve insupportable qu'une femme en pleine santé soit frappée par une tumeur au cerveau qui l'emporte alors que nous venions d'avoir un enfant. C'est l'injustice absolue. L'Orphée que j'étais alors est parti avec elle et n'est jamais revenu».

Et ainsi de suite... jusqu'au célèbre Vesti la giubba, tiré de Pagliacci de Leoncavallo, qui conclut l'opus. L'opéra, qui parle d'un amour trahi, s'achève sur ces mots «la Commedia e finita» (la comédie est finie)».

«Le quatrième acte de ma vie s'achève avec Pagliacci et comme dans les opéras français un cinquième s'ouvre aujourd'hui avec un Roberto apaisé, serein, en vitesse de croisière», s'enthousiasme celui dont la technique vocale est parfois comparée à celle de Luciano Pavarotti.

Roméo à 51 ans

Père d'une petite Malena, née en février de son union avec la soprano polonaise Aleksandra Kurzak, Roberto Alagna dit vivre cette nouvelle paternité comme «une seconde jeunesse».

«À l'âge où l'on fait d'habitude des bilans, ça me redonne envie d'étudier, de découvrir de nouvelles choses et en même temps ça me fait peur. Jusqu'à quand vais-je pouvoir être auprès d'elle pour l'aider. Sans doute mon coté Sicilien, protecteur. La famille quoi...».

Fini les scandales donc. Comme cette fameuse sortie de scène sous les sifflets, à la Scala de Milan en 2006, dont on ne cesse de lui rebattre les oreilles. Ou encore cette défection, due à un souci de santé, aux Chorégies d'Orange, en 2013 dont on dit qu'elle a fait mal à la trésorerie de ce festival français d'opéra.

Sa direction est en litige devant la justice avec les assurances, qui contestent le certificat de santé produit par le chanteur.

«Ce sont aussi les ingrédients de ma vie. J'ai lu que j'avais fait perdre de l'argent aux Chorégies parce que j'ai annulé un concert mais on ne dit pas combien j'en ai fait gagner depuis 1993 (date de sa première participation, NDLR). Personne ne se plaint à Orange, à commencer par les commerçants qui savent que quand Roberto n'est pas là ce n'est pas pareil».

Et sur le plan artistique, que nous réserve cette nouvelle page qui s'ouvre? «Je vais rejouer Roméo dans l'opéra de Gounod, à 51 ans, c'est drôle».

De nouveaux rôles sont à venir aussi. «Je serai Vasco de Gama dans L'Africaine (de Giacomo Meyerbeer), Eléazar dans La Juive (de Jacques-Fromental Halévy), une histoire d'intégration, de non acceptation de la différence.

Le ténor ajoutera aussi à son répertoire le personnage de Lancelot, dans le roi Arthus, de Ernest Chausson. «Un rôle où on doit choisir entre l'amour et l'honneur. Le sens de l'honneur, voilà une valeur qui se perd de nos jours. Mon grand-père me disait: «Si quelqu'un te fait du bien, il faut lui rendre trois fois ce qu'il t'a fait». Sans doute encore son côté Sicilien...