C'était soir d'ouverture de saison pour l'OSM, hier à la Maison symphonique, avec la symphonie dramatique avec choeur Roméo et Juliette, de Berlioz. Une soirée interminable parsemée de moments musicaux sublimes mais enveloppée d'une cape d'ennui.

Après l'allocution d'usage de Lucien Bouchard, président du conseil de l'OSM, musiciens et choristes ont pris place et la première note s'est fait entendre environ 15 minutes après 20 h devant une salle presque pleine. Parmi les spectateurs, on pouvait apercevoir quelques personnalités du monde artistique: le comédien Rémy Girard, l'auteur-compositeur Luc De Larochellière, sa conjointe chanteuse Andrea Lindsay et le parolier Luc Plamondon, entre autres.

On a certes entendu de belles choses, et même des choses magnifiques en ce concert. Kent Nagano a effectué un travail admirable pour faire ressortir la virtuosité et la finesse des couleurs de son orchestre dans une oeuvre qui s'y prête particulièrement bien. C'est aussi, après un été de concerts extérieurs arrosés d'averses et plombés par une amplification déficiente, un immense soulagement d'entendre l'OSM de retour au bercail.

Parmi les moments de beauté, on se souviendra du merveilleux hautbois de Theodore Baskin dans le thème de Roméo, seul et triste, et de la Scène d'amour, des pages de musique qui valent à elles seules de découvrir cette oeuvre.

Les trois solistes ont offert une prestation décente, surtout la mezzo Clémentine Margaine, qui possède un timbre de voix riche et ample. Le ténor Isaiah Bell en est un parmi tant d'autres, avec une belle voix qui ne se démarque pas particulièrement.

Oser critiquer Berlioz

Toutefois, ce sont des élans amoureux bien domptés et des épanchements lisses et sans risques de drame que l'on nous a offerts. Mais avant de jeter la pierre au chef d'orchestre et à ses musiciens, il faut s'arrêter à l'oeuvre de Berlioz en soi.

Roméo et Juliette n'a pas été joué intégralement à l'OSM depuis 1985. On comprend facilement pourquoi. Prises séparément, toutes ses parties sont porteuses d'éléments de génie. Mais est-ce bien là Shakespeare que Berlioz nous raconte, ou sa vision édulcorée et quelque peu naïve? Toute la passion d'une tragique histoire d'amour, qui trouve sa vérité dans le texte de Shakespeare lorsque transmis par des êtres de chair et de sang peut-elle vraiment s'exprimer dans cette vision «civilisée» par le compositeur français? C'est là que la musique dite descriptive rencontre ses limites, tout en offrant, il est vrai, d'autres raisons d'être appréciée.

Et si l'on refaisait le chemin en sens inverse? Tenter d'écrire une nouvelle tragédie à partir de la musique de Berlioz? Au lieu de se suicider, la pauvre Juliette suivrait sûrement une thérapie. Et dans l'interprétation d'une virtuosité calculée que nous avons entendue ce soir, elle ne le ferait pas sans avoir pris soin de recoiffer méticuleusement chaque mèche de sa chevelure.

Alors, pour Shakespeare, rien ne remplace le théâtre.