Le rideau s'est levé vendredi sur le célèbre Festival d'opéra de Bayreuth, entièrement dédié à l'oeuvre de Richard Wagner, en l'absence remarquée de la chancelière allemande Angela Merkel, pour la première fois en dix ans.

La représentation du Tannhäuser, mise en scène par l'Allemand Sebastian Baumgarten, avait à peine commencé qu'une panne du matériel de scène a contraint le public à quitter la salle pendant plus d'une demi-heure.

Le problème résolu, l'assistance, au sein de laquelle des personnalités du monde politique ou du showbiz en tenue de soirée, est revenue s'installer dans le Festspielhaus, la salle qui fut dessinée par Wagner lui-même pour qu'y soit présentée son oeuvre.

Officiellement, la chancelière, passionnée de Wagner et qui n'avait manqué aucune ouverture depuis 2005, a évoqué un «conflit d'agenda» pour expliquer son absence. Le porte-parole du festival, Peter Emmerich, a précisé qu'elle viendrait assister à quelques représentations la semaine prochaine.

Il se murmure cependant que sa défection s'expliquerait par le choix de l'oeuvre jouée en ouverture de cette 103e édition, ce Tannhäuser de Baumgarten, qui fait l'unanimité contre lui depuis sa création en 2011.

«C'est une honte que Merkel ne soit pas là cette année. Nous venons tous les ans pour assister à l'arrivée des spectateurs», a observé Horst, accompagné de son épouse Ute, tout deux originaires de Bayreuth, venus regarder les célébrités descendre de leur limousine.

Après une édition 2013 chahutée lors du bicentenaire de Richard Wagner, avec une interprétation controversée du «Ring» mis en scène par l'enfant terrible du théâtre allemand Frank Castorf, aucune nouvelle production n'est prévue cette année.

Le public plutôt conservateur de Bayreuth avait longuement hué cette relecture à la Tarantino de L'Or du Rhin, La Walkyrie, Siegfried et Le crépuscule des Dieux, avec kalachnikovs, coït de crocodiles et prostituées en guise de vierges du Rhin.

Dans une interview à l'hebdomadaire Der Spiegel, parue cette semaine, Castorf a accusé le duo de directrices, Katharina Wagner et Eva Wagner-Pasquier, toutes deux arrières-petites-filles du compositeur, de l'avoir traité comme un «idiot» et de faire régner sur la Festspielhaus dans un climat de peur et d'intimidation digne de l'ex-Allemagne de l'Est.

Le désamour du public et de la critique pour les mises en scène retenues à Bayreuth s'est traduit dans les ventes de billets, un indicateur alarmant pour un festival habitué à se tenir à guichets fermés.

Les billets pour Bayreuth sont traditionnellement les plus courus dans le monde de l'opéra et de la musique classique, avec des listes d'attente s'élevant à dix ans et plus.

Mais cette année, alors qu'une série de billets a pour la première fois été mise en vente directement sur l'internet, tous n'ont pas été immédiatement écoulés. Il restait encore des places libres pour l'un des volets du Ring la semaine prochaine.

Le quotidien Frankfurter Allgemeine Zeitung a estimé récemment que Bayreuth souffrait d'«artériosclérose artistique» et devenait «à peu près aussi excitant qu'une bière éventée».

Vendredi, seule une poignée de personnes s'étaient rassemblées devant les guichets, brandissant des panneaux: «Cherche billets».

«Je sais que ce Tannhäuser n'a pas bonne réputation. Malgré tout, j'adorerais pouvoir entrer, juste pour dire que j'y étais. Peut-être que j'aurai de la chance et que quelqu'un me donnera son ticket après la pause», confiait avant le spectacle Peter Grünbaum, venu spécialement de Cologne.

Le Festival de Bayreuth se tiendra jusqu'au 28 août, avec au total 30 représentations de sept opéras, Tannhäuser, Le vaisseau fantôme», Lohengrin et les quatre oeuvres du Ring.