Jayson Gillham, 27 ans, d'Australie, a remporté hier soir le premier prix (30 000 $) du Concours musical international de Montréal, consacré cette année au piano. La nouvelle n'a surpris personne. L'interprétation que le finaliste australien a donnée du quatrième Concerto de Beethoven était celle d'un maître: elle conjuguait une qualité pianistique somptueuse, une musicalité naturelle et profonde, une pensée continuellement en éveil et une émotion vraie et contrôlée. Deux ou trois infimes accidents de parcours sont mentionnés simplement pour qu'il ne soit pas dit que nous ne les avons pas remarqués... Des miettes, dans un exposé de 35 minutes où l'intérêt se maintint continuellement au sommet.

Le plus âgé des six finalistes, Gillham avait fait un choix très audacieux: le quatrième Concerto de Beethoven. C'est le plus abstrait, le plus moderne, bref le plus grand des cinq concertos pour piano du compositeur. Mais c'est aussi l'un des moins fréquentés des «concertos de concours» où la préférence va aux «machines» Tchaïkovsky, Prokofiev et Rachmaninov, comme le démontre encore la présente programmation de finale.

Gillham prenait un grand risque avec le quatrième de Beethoven. Il faut féliciter le jury d'avoir été sensible à ce choix et, surtout, à ce que le concurrent en a fait. Par contre, si on peut regretter que l'extraordinaire Prokofiev de Kate Liu, la veille, ne l'ait pas placée parmi les trois gagnants, il faut se rappeler que le jury tient compte de ce qu'il a entendu dans les autres épreuves du concours.

C'est sans doute cette évaluation globale qui a permis au Montréalais Charles Richard-Hamelin de recevoir le deuxième prix (15 000 $) et ce, malgré un assez terne Rachmaninov avec orchestre. Même remarque concernant le choix de l'Allemande Annika Treutler pour le troisième prix (10 000 $). La blonde finaliste paraissait à la toute fin du concert (l'ordre de passage est déterminé par tirage au sort d'un numéro) et, pis encore, elle nous arrivait avec son Prokofiev après ce Beethoven de Gillham qui nous avait comblés au plus haut point.

Du populaire troisième Concerto du compositeur russe, Treutler ne tira rien d'autre que quelques petites idées au hasard du mouvement à variations. Il faut en conclure qu'elle se distingua davantage dans les épreuves précédentes.

En plus de Jayson Gillham et Annika Treutler, la deuxième et dernière séance de l'épreuve finale faisait entendre le Montréalais Xiaoyu Liu, à 17 ans le plus jeune des 24 concurrents de toute la compétition. Ce fragile garçon est un pianiste raffiné qui devrait s'en tenir à Mozart. Le choix du deuxième Concerto de Rachmaninov (son propre choix ou celui de quelqu'un d'autre) était hélas! une aberration. Le petit Liu n'a pas du tout la «patte» que requiert cette musique généreuse et enveloppante. Il ralentit constamment le tempo, multiplie les rubatos, s'essaie en vain au style «big piano», pendant que chef et orchestre s'efforcent de le suivre.

Sur l'ensemble de la direction et de l'accompagnement, on peut dire que le résultat fut meilleur que le premier soir.

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CONCOURS MUSICAL INTERNATIONAL DE MONTRÉAL. Discipline: piano. Épreuve finale, avec l'Orchestre Symphonique de Montréal. Chef invité: Giancarlo Guerrero. Maison symphonique, Place des Arts. Deuxième et dernière séance hier soir.

Programme:

Xiaoyu Liu, 17 ans (Canada): Concerto no 2, en do mineur, op. 18 (1901) - Rachmaninov

Jayson Gillham, 27 ans (Australie): Concerto no 4, en sol majeur, op. 58 (1807) - Beethoven

Annika Treutler, 24 ans (Allemagne): Concerto no 3, en do majeur, op. 26 (1921) - Prokofiev

Piano : le palmarès

Premier prix (30 000 $): Jayson Gillham (Australie)

Deuxième prix (15 000 $): Charles Richard-Hamelin (Canada)

Troisième prix (10 000 $): Annika Treutler (Allemagne)

Chacun des trois autres finalistes reçoit une bourse de 2000 $.

Charles Richard-Hamelin reçoit également le prix du meilleur concurrent du Canada (5000 $). Les gagnants des autres prix seront annoncés lors du concert des lauréats demain soir (vendredi), 19 h 30, à la Maison symphonique.