Le deuxième concert d'inauguration du grand orgue de la Maison symphonique nous ramenait les trois oeuvres entendues la veille au premier concert et en ajoutait deux nouvelles commandées pour l'occasion.

Donné sans entracte, le premier concert faisait exactement une heure et demie. Le deuxième, avec entracte, faisait la durée normale d'un concert, soit un peu plus de deux heures. Dans les deux cas: deux salles pleines, deux auditoires attentifs et enthousiastes, convaincus d'assister à un événement historique, lequel était d'ailleurs fixé pour la postérité par une équipe de tournage.

Il faudra attendre encore, cependant, pour voir, ou plutôt entendre, le nouvel instrument déployer cette pleine richesse promise sur tous les tons. Peut-être les sept récitals où se succéderont ce week-end autant d'organistes (huit, en fait) répondront-ils à ces attentes. Cette initiative vient - heureusement - en contradiction avec le statut d'«orgue d'orchestre» où l'on veut confiner l'instrument.

Pour l'instant, son image sonore se ramène à de très puissants accords dans les basses (très puissants, mais toujours les mêmes), quelques timbres lumineux et certains effets d'écho. Le répertoire choisi pour l'inauguration est en cause et les deux oeuvres nouvelles n'ont pas modifié cette impression.

On peut commencer par en ignorer les titres. Comme si souvent en musique contemporaine, ils sont plus intéressants que les oeuvres elles-mêmes. Celle de la Finlandaise Kaija Saariaho devait durer 12 minutes; elle en fait 20! Et celle du Canadien Samy Moussa, 11 minutes au lieu des 8 annoncées. M. Moussa vit en Allemagne et est à peu près inconnu ici. On l'a ajouté en hâte à une programmation qui, étrangement, n'avait fait aucune place à la musique d'ici.

Les deux pièces ne se distinguent en rien de ce qu'on entend à satiété dans les concerts de musique dite «actuelle». Celle de la Finlandaise débouche sur une espèce de toccata qui a sans doute réveillé ceux qui s'étaient endormis. La pièce canadienne - qui commence presque indécemment comme la première Symphonie de Mahler! -  a le mérite d'être plus brève que l'autre et de contenir quelques agrégats originaux. Mais aucune des deux pièces ne fait parler l'orgue d'une façon intéressante. Les deux compositeurs étaient présents et ont reçu des fleurs.

Alternant aux deux consoles, Olivier Latry jouait dans toutes les oeuvres, sauf dans celle de M. Moussa, que Jean-Willy Kunz joua à la console électrique, sur scène. Reprenant la Toccata et Fugue en ré mineur de Bach, M. Latry fit un peu moins de mignardises que la veille, mais, en même temps, montra une légère fatigue. Par contre, il retrouva sa pleine forme dans le Liszt orchestré par Cochereau et, surtout, dans la troisième Symphonie de Saint-Saëns, qu'il mena à une conclusion absolument irrésistible. Cette musique décriée en certains milieux nous rejoint toujours, 128 ans après sa création. Parlera-t-on encore de Mme Saariaho et de M. Moussa dans 128 ans?...

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DEUXIÈME CONCERT D'INAUGURATION du grand orgue Pierre-Béique de la Maison symphonique, hier soir. Olivier Latry et Jean-Willy Kunz, organistes, et Orchestre Symphonique de Montréal. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Reprise dimanche, 14 h 30.

Programme:

Toccata et Fugue en ré mineur, BWV 565 (c. 1706) - J. S. Bach

Maan Varjot, pour orgue et orchestre (2014) (création) - Saariaho

Prélude et Fugue sur B.A.C.H., S. 260 (1855, rév. 1870) - Liszt, transcription pour orgue et orchestre : Jean-Marc Cochereau

A Globe Itself Infolding, pour orgue et orchestre (2014) (création) - Moussa

Symphonie no 3, avec orgue, en do mineur, op. 78 (1886) - Saint-Saëns