Gabriela Montero est la reine d'un art que peu de pianistes classiques peuvent se vanter de maîtriser: l'improvisation. L'artiste américaine d'origine vénézuélienne sera à Montréal cette semaine en tant que juge du nouveau Prix d'improvisation Richard-Lupien du Concours musical international de Montréal (CMIM). Elle donnera également un récital.

Pourquoi entendons-nous si peu de pianistes de formation classique improviser de nos jours, et pourquoi n'est-ce pas davantage enseigné?

Je ne peux juger qu'à partir de ma propre expérience. Je n'ai jamais appris à improviser; je l'ai toujours fait naturellement depuis que je suis petite. Pour moi, c'est une conversation avec la musique, une façon de parler avec du son. C'est pourquoi le concept d'apprendre à improviser me semble étranger. Cela devrait être naturel.

Pourtant, n'y a-t-il pas eu des époques où cette tradition était plus répandue?

C'était le cas au XVIIe, au XVIIIe et au XIXe siècles. L'improvisation était encouragée et assez commune chez les musiciens. Malheureusement, je crois que nous avons perdu une part de cette spontanéité et que nous sommes devenus trop axés sur la perfection. Ce qui est beau avec l'improvisation, c'est la vérité et l'honnêteté qu'on y trouve dans le moment.

Qu'est-ce que l'art d'improviser vous apporte dans l'interprétation des oeuvres du répertoire pianistique?

Cela me donne une relation plus intime avec la musique. Évidemment, je n'ai pas besoin d'improviser dans ce répertoire, mais ma capacité de le faire me permet d'améliorer la trame narrative de ce que je joue. Cela rend mon jeu plus personnel et me donne une merveilleuse liberté que je peux vivre aussi dans les oeuvres écrites par d'autres.

Vous êtes à Montréal en tant que juge d'un nouveau prix d'improvisation créé par le CMIM. Croyez-vous que l'improvisation effectue un retour chez les pianistes?

Absolument. Je constate beaucoup d'intérêt depuis quelques années. Plusieurs jeunes musiciens viennent me parler après mes concerts et me posent des questions. Ils veulent se libérer de la partition et explorer qui ils sont en dehors de ces paramètres.

Quelles sont les qualités d'un bon improvisateur?

Il faut être sans peur et prendre des risques. Vous devez être dans un état de non-jugement. Les meilleures improvisations arrivent, du moins dans mon cas, quand je me laisse complètement aller et que je permets au processus de se dérouler sans l'interrompre.

Comment se déroulent vos récitals d'improvisation?

J'ai commencé à improviser fréquemment sur scène il y a 10 ans. Au début, le public ne comprenait pas bien ce que je faisais, car c'était inhabituel. C'est une sorte d'éducation que de ramener l'improvisation dans le récital classique. Je demande aux spectateurs de me suggérer des thèmes, des idées ou des émotions. Je peux aussi bien improviser sans leurs suggestions, mais ce qui est bien dans le fait d'impliquer les spectateurs, c'est que ça leur donne une voix. C'est une belle expérience pour eux et cela brise la barrière entre nous. Les épreuves du prix Richard-Lupien seront ouvertes gratuitement au public le 20 mai de 13h à 16h30 à la salle Tanna Schulich de l'Université McGill. Les autres membres du jury sont François Dompierre et le pianiste français Bruno Fontaine. Six candidats sont en lice, dont le Montréalais d'origine ukrainienne Serhiy Salov. Le lauréat recevra une bourse de 5000$.

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Récital de Gabriela Montero: ce soir, 20h, salle Pollack.