Un opéra sur la révolte. C'est ainsi que René-Daniel Dubois décrit Le rêve de Grégoire, du compositeur montréalais Pierre Michaud, présenté cette semaine au Monument-National. Une oeuvre dans laquelle l'auteur de Being at Home with Claude se retrouve complètement.

L'opéra raconte l'aventure de Grégoire, un homme qui se réveille dans une prison, condamné à mort sans savoir pourquoi. Il fait trois rêves où il revoit sa vie et croise des personnages imaginaires, dont la Folie, l'Ignorance et l'Autorité.

«Ce qui ressort de cette oeuvre-là, c'est le sentiment de révolte, dit René-Daniel Dubois. La révolte, ce n'est pas obligé de se manifester par des signes extérieurs. On peut très bien la ressentir sans que personne ne s'en aperçoive. À partir du moment où tu constates que rien de tout ce que l'on t'a enseigné, ni la politique ni le monde du travail, ne fonctionne, tu es dans un cul-de-sac. Alors tu as le choix entre deux choses: ou bien tu te tires une balle, ou bien tu décides de transposer ça en créant quelque chose.»

Créer ou mourir: c'est le dilemme de Grégoire, qui arrive sur scène armé d'un revolver. Mais c'est aussi le dilemme de René-Daniel Dubois, dilemme qu'il a apprivoisé avec le temps. Car par une étrange osmose créative entre lui et le compositeur Pierre Michaud, Dubois ressemble au personnage de l'opéra qu'il met en scène.

«Ce n'était pas du tout prévu comme ça au départ, quand Pierre Michaud m'a approché pour ce projet, en 2007. Il avait des idées de base, mais n'avait pas encore écrit le livret ni composé la musique. Pierre est aussi un révolté à sa façon, mais on n'en parle pas. Le dialogue entre nous se fait à travers l'oeuvre.»

Car René-Daniel Dubois a beau avoir connu le succès, il n'en est pas moins révolté contre tout ce qui ne tourne pas rond en ce bas monde.

«Je pensais que ça s'arrangerait en vieillissant, mais c'est de pire en pire. Il y a des bouts où ça fait encore plus mal que quand j'étais jeune, mais ce n'est pas un cul-de-sac. Ce qui a changé, c'est ma façon de vivre ma révolte. Ma porte de sortie, c'est la création. Ce sera aussi celle de Grégoire. Alors quand j'assiste aux répétitions, il m'arrive d'avoir le motton.»

Musique

À travers Le rêve de Grégoire, la musique est le sang qui irrigue la narration. Elle est interprétée par trois ensembles montréalais: le Quatuor Bozzini, le quatuor de saxophones Quasar et l'ensemble à percussion Sixtrum, ainsi que sept chanteurs, sous la direction de Walter Boudreau. Grégoire est incarné par le ténor François-Olivier Jean.

«C'est un personnage à trois niveaux: celui du narrateur, celui du prisonnier et celui de ses rêves, dit le metteur en scène. Pour différencier ces trois couches, on utilise des projections. C'est une oeuvre complexe, donc un défi passionnant de la monter, et j'espère que les gens vont venir, car c'est pour eux qu'on fait tout ça.»

Les autres chanteurs sont Marie-Annick Béliveau, Dion Mazzerolle, Andrzej Stec, Rebecca Woodmas, Michel Schrey et Dorothéa Ventura.

La compagnie Chants libres en est à sa quinzième production. En faisant appel à René-Daniel Dubois, elle boucle la boucle, puisque sa première création, Ne blâmez jamais les Bédouins, était basée sur une des pièces de Dubois.

«L'opéra n'a pas fini de s'écrire, il est encore vivant, dit-il. Chants Libres est l'une des rares compagnies au Canada qui fait de la création, et Pauline Vaillancourt a fait un travail extraordinaire au fil des ans pour perpétuer cette forme d'art. Sans elle, on n'aurait pas de lieu pour créer des oeuvres comme celle-là.»

Au Monument-National, du 15 au 17 mai.