La musique qu'elle défend ne joue pas à la radio. Les médias grand public n'en parlent presque jamais. Le financement ne coule pas à flots. Malgré tout, Lorraine Vaillancourt porte depuis 25 ans son orchestre à bout de bras contre vents et marées. Le Nouvel Ensemble Moderne, qu'elle a fondé en 1989, donne son premier concert à la Maison symphonique, aujourd'hui.

«Le patrimoine, ça ne se bâtit pas autrement qu'avec de la création, dit Lorraine Vaillancourt. S'il n'y a pas de création aujourd'hui, il n'y aura pas de patrimoine dans 20 ou 30 ans.»

C'est le propos qu'elle entend défendre avec son orchestre: faire découvrir la musique composée à notre époque. Une musique qui s'apprivoise.

«La musique contemporaine est cataloguée comme compliquée. Mais ce n'est pas parce qu'une chose ne s'adresse pas à une multitude qu'elle n'a pas de valeur. Comme pour tout ce qui n'est pas dans nos habitudes, ça vaut la peine de faire un effort et ça demande une ouverture, une curiosité, une envie de sortir de sa zone de confort. Et parfois, il faut faire cet effort plus d'une fois pour apprécier quelque chose.»

Son propre cinéma

Depuis qu'elle a fondé le NEM, la situation de la musique contemporaine est devenue plus précaire, selon elle.

«Il y a 25 ans, quand on a commencé, la radio publique était très impliquée dans le milieu, commandait des oeuvres et enregistrait les concerts. La musique contemporaine était plus présente dans l'ensemble des médias. Le rôle de radio d'État est déterminant, car elle a une mission éducative. Elle devrait tirer les choses vers le haut, et non niveler vers le bas. Aujourd'hui, on galère de plus en plus pour rejoindre les gens.»

Malgré ces embûches, pas question pour elle de céder au goût du jour et d'utiliser des artifices pour séduire le public.

«On essaie de nous imposer cette idée qu'il faut absolument avoir un côté visuel, des éclairages, des images ou des artistes de cirque au concert. C'est très difficile aujourd'hui de rester dans l'abstrait. Pourtant, la musique, c'est quelque chose d'abstrait en soi. L'auditeur est capable de se faire son propre cinéma, il n'a pas besoin qu'on lui explique tout avec des images. Il faut arrêter de le sous-estimer.»

Par conséquent, pas question non plus d'être moins exigeant envers cet auditeur en lui proposant la facilité musicale.

«Il ne nous est jamais venu à l'idée de demander à Picasso ou à d'autres peintres modernes de changer leurs oeuvres pour qu'elles soient plus populaires, pourquoi le fait-on avec la musique?», dit-elle.

Se décrit-elle comme une pure et dure?

«J'ai l'impression d'être un peu résistante, mais ce n'est pas par refus de ce qui se passe autour. C'est plutôt un avis aux intéressés. Il y a quand même des gens à nos concerts qui embarquent pour découvrir et qui viennent nous dire qu'on les amène ailleurs. C'est ce qui fait que j'ai envie de continuer.»

Le concert

Trois oeuvres sont au programme de ce concert anniversaire. D'abord, une oeuvre d'un de nos plus grands compositeurs, Bouchara, de Claude Vivier, que Lorraine Vaillancourt a connu personnellement. En second lieu, on assistera à la création de Solaris, une nouvelle oeuvre de Walter Boudreau - «25 minutes pour vos 25 ans», lui a dit le compositeur.

On présentera aussi des extraits de Wozzeck, l'opéra d'Alban Berg, avec la soprano Nathalie Paulin dans le rôle de Marie et le baryton John Fanning dans celui de Wozzeck, avec le comédien Guy Nadon comme narrateur.

En ce qui concerne l'avenir du NEM, Lorraine Vaillancourt demeure optimiste.

«On a encore de quoi vivre longtemps, car ce n'est pas la nouvelle musique qui manque! Il y a encore énormément de compositeurs à découvrir et de musique à jouer.»

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Nouvel Ensemble Moderne, ce soir, 19h30, Maison symphonique.