Au départ, on pouvait croire à un gag. La Maison symphonique a d'abord été conçue pour l'OSM et celui-ci doit à un expert nommé Tateo Nakajima l'acoustique pour ainsi dire parfaite dont il jouit désormais.

Tateo Nakajima est aussi chef d'orchestre, et d'origine japonaise, comme Kent Nagano. Il y a là un lien. Mais ce n'est pas le chef de l'OSM qui l'a exploité... plutôt, le chef de l'orchestre concurrent! En effet, Yannick Nézet-Séguin a eu l'idée géniale d'inviter l'acousticien-chef d'orchestre à diriger «son» Métropolitain dans cette salle même où trône l'OSM et, en plus, dans quatre lieux de la périphérie.

Jusque-là, on pouvait encore croire à quelque plaisanterie. Erreur: le nouveau venu s'est révélé un chef à prendre très au sérieux et même à réinviter.

Sa notice biographique nous apprend qu'il a travaillé le violon à Toronto, sa ville natale, qu'il a ensuite étudié la direction en Europe et dirigé quelques obcurs orchestres là-bas. On pouvait encore avoir des doutes. On n'en a plus.

Tateo Nakajima s'est présenté avec un programme panoramique viennois englobant non seulement les deux grandes Écoles de Vienne, soit l'ancienne (illustrée par Haydn et Mozart) et la nouvelle (par Schoenberg), mais aussi l'aspect mondain et populaire de la capitale autrichienne (avec Johann Strauss fils).

Tateo Nakajima a disposé l'orchestre à partir des cordes, c'est-à-dire de façon à redonner à celles-ci leur véritable rôle de fondement de l'orchestre: les violons de chaque côté du podium, les altos et les violoncelles devant, les contrebasses tout au fond. Dans cette acoustique qu'il connaît mieux que quiconque, les cordes sonnaient avec la puissance et l'homogénéité d'un second OSM, rien de moins. Il y avait même, chez les contrebasses, une profondeur inhabituelle qui soulignait la conclusion très sombre de la deuxième Symphonie de chambre de Schoenberg. Rien à redire sur les bois et les percussions, toujours à leur affaire; des cuivres un peu plus faibles cependant.

Grand et imposant, Tateo Nakajima domine tout l'orchestre et l'anime avec une gestuelle toujours efficace, bien que parfois étrange (ainsi, sa tendance à se retourner complètement vers une section des violons, ou encore à «jouer du moulinet»). Quoi qu'il en soit, l'orchestre lui répond toujours bien.

Le sommet du concert fut le Schoenberg. Bien que tonale, et bien que le vif scherzo du second mouvement tranche carrément sur ce qui précède, l'oeuvre reste sévère. Visiblement amoureux de cette musique, le chef lui a conféré beaucoup de caractère.

En début de programme, il avait apporté un égal dosage de charme et de rigueur à cette valse de Strauss qu'on appelle en français Contes de la forêt viennoise. Du même Strauss, la brève Annen-Polka détruisait hélas! l'atmosphère créée par le Schoenberg.

Choix moins heureux, aussi, pour Haydn et Mozart. Du premier, la Symphonie no 73, dite La Chasse, est sans originalité et, en conséquence, peu jouée. Le chef l'a pourtant dirigée avec beaucoup d'énergie. Le Concerto pour hautbois de Mozart (version originale du deuxième Concerto pour flûte) n'est pas, non plus, un sommet de la production mozartienne. Mais il exige du soliste une technique infaillible et lui impose trois cadences. Lise Beauchamp, hautbois-solo de l'OM, fut irréprochable, abstraction faite de deux ou trois très petites imperfections. On aurait simplement souhaité un son moins pointu et un peu plus de personnalité.

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ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef invité: Tateo Nakajima. Soliste: Lise Beauchamp, hautboïste. Vendredi soir, Maison symphonique, Place des Arts.

Programme:

G'schichten aus dem Wienerwald, op. 325 (1868) - Strauss fils

Symphonie de chambre no 2, en mi bémol mineur, op. 38 (1940) - Schoenberg

Annen-Polka, op. 117 (1852) - Strauss fils

Concerto pour hautbois et orchestre en do majeur, K. 314/271k (1777) - Mozart

Symphonie no 73, en ré majeur, Hob. I:73 (La Chasse) (1782) - Haydn