Les médias n'ont pas cessé d'exhiber Gustavo Dudamel comme une sorte de rock star échevelé, bon tout au plus à remplir les pages des magazines du genre people et à émoustiller les adolescentes en mal d'idoles.

Le jeune Vénézuélien de 33 ans s'est révélé tout à l'opposé de cette détestable image: un chef très sérieux dont la gestuelle extrêmement dynamique n'est jamais gratuite et, bien au contraire, toujours respectueuse de la musique et toujours justifiée par le message à transmettre. Finalement, celui qui dirige le Los Angeles Philharmonic depuis cinq ans prolonge la noble tradition de ses prédécesseurs: Klemperer, Mehta et Giulini, pour nommer les plus illustres.

Le «L. A. Phil» avait inscrit Montréal dans sa tournée nord-américaine de sept villes. Présenté par l'OSM pendant la tournée européenne de celui-ci, et de retour après une première visite à l'Expo 67 (avec des effectifs différents, bien sûr), l'orchestre de 114 musiciens a fait salle comble à la Maison symphonique.

Son programme était original. Il débutait, non pas par la bruyante ouverture de circonstance, mais par la peu connue première Symphonie de l'Américain John Corigliano, c'est-à-dire dans un quasi-murmure bientôt interrompu par une succession d'explosifs fortissimos, le tout tenant la salle en haleine pendant la durée inhabituelle de 40 minutes. Après un long entracte de plus d'une demi-heure, les visiteurs ramenaient l'auditeur en terrain familier: Tchaïkovsky et sa cinquième Symphonie.

Peu de gens semblent s'en souvenir: Jacques Lacombe avait dirigé le Corigliano à l'OSM en 2004, en présence du compositeur, portant la durée indiquée dans la partition de 40 à 46 minutes. Dudamel s'en est tenu à 40 minutes, tout comme Daniel Barenboïm, créateur de l'oeuvre et premier à l'enregistrer. Dudamel avait cependant modifié la disposition des instruments prescrite dans la partition. Celle-ci place les cuivres en demi-cercle de part et d'autre de la scène et place les timbales et les percussions devant eux. Sans doute pour des raisons d'ordre pratique, Dudamel avait interverti cet ordre: timbales et percussions étaient derrière les cuivres. Mais ce changement n'affecta aucunement le résultat.

Inspirée à Corigliano par la mort d'amis et collègues victimes du sida, l'oeuvre en quatre mouvements, où se succèdent dissonances quasi assourdissantes et accalmies proches de l'inaudible, se ramène à une terrifiante fresque de désespoir et de démence que visitent des fantômes: un pianiste jouant le Tango d'Albéniz à l'arrière-scène, un violoncelliste chantant sa plainte au milieu de l'orchestre presque silencieux.

Dirigeant avec la partition, chose presque inévitable ici, Dudamel entraîna ses musiciens dans une réalisation très en place et très forte où néanmoins certaines longueurs et redites restaient apparentes. À cet égard, Lacombe avait été encore plus convaincant. Peut-être ces six minutes additionnelles recèlent-elles son secret...

En fin de compte, le Tchaïkovsky fut la grande réussite du concert. Dirigeant cette fois de mémoire, Dudamel apporta à l'oeuvre bien connue un dramatisme et un lyrisme dignes des plus grands interprètes de cette musique. Si les bois de l'OSM restent supérieurs, les cordes de Los Angeles sont plus nourries et les cuivres, plus solides. Au Presto final, la virtuosité des cuivres réunis fut absolument foudroyante. Quant au chef comme interprète de Tchaïkovsky, il fait ressortir toutes sortes de nuances que nous n'avions pas entendues ici depuis fort longtemps.           

Une très longue ovation accompagna le chef descendant dans l'orchestre pour faire lever ses premiers-pupitres - ovation à laquelle se joignit Charles Dutoit, venu entendre l'orchestre et, la veille, Yo-Yo Ma. Un rappel suivit: la brillante Polonaise de l'opéra Evgueny Onieguine de Tchaïkovsky.

On aura retrouvé dans la liste des musiciens deux noms familiers: l'ex-Montréalais Martin Chalifour est le violon-solo et Whitney Crockett, autrefois de l'OSM, est maintenant basson-solo.

LOS ANGELES PHILHARMONIC. Chef d'orchestre: Gustavo Dudamel. Jeudi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Présentation: OSM.

Programme:

Symphonie no 1 (1990) - Corigliano

Symphonie no 5, en mi mineur, op. 64 (1888) - Tchaïkovsky