«Québec: déprimant». Ce titre coiffait notre critique de la soirée que l'Orchestre symphonique de Québec offrait l'été dernier à Lanaudière: faible assistance, faible rendu musical. Dieu soit loué, le retour du plus ancien orchestre canadien (112 ans d'existence!) a laissé une meilleure impression.

Que faisait l'OSQ à Montréal hier? Comme le Los Angeles Philharmonic et comme le violoncelliste Yo-Yo Ma, il a été invité par l'OSM à combler son calendrier pendant sa présente tournée européenne.

Notre seule déception concernant le concert de l'OSQ n'a rien à voir avec l'exécution, qui fut remarquable du début à la fin, voire inspirée par moments, mais plutôt avec le programme. Qui, en dehors du royaume du maire Labeaume, veut entendre l'OSQ dans le Boléro de Ravel? L'OSM joue cela assez souvent pour qu'on n'en demande pas davantage. Quel dommage que Fabien Gabel et l'OSQ ne nous aient pas donné plutôt cette Symphonie de Friedrich Gernsheim qu'ils viennent de présenter à Québec. Montréal méritait certainement de découvrir à son tour ce contemporain de Brahms absolument inconnu.

La même remarque concernant le sempiternel Boléro s'applique aux deux autres Ravel programmés: l'OSM nous ramène ces pages régulièrement, et sans jamais retrouver l'incomparable magie que Dutoit conférait à cette musique. Nagano n'y réussit pas, Gabel encore moins.

Pourtant, ses Ravel étaient plutôt bons. Dans l'éclat, dans la couleur générale et dans le raffinement, le niveau restait toujours plus que respectable. Cette musique est extrêmement difficile à mettre en place et tout y était. On a entendu quelques très minimes imperfections à la trompette, à la petite clarinette, au hautbois d'amour. Le chef les a certainement entendues lui aussi. Rien de sérieux. L'atmosphère y était... en tout cas jusqu'à un certain point. Il a bouclé son Boléro en un temps record: 13 minutes, soit trois de moins que Ravel lui-même dans son légendaire enregistrement.

Le Boléro terminait le concert et provoqua une ovation debout de la salle bien remplie. On attendait un rappel. Le chef fit signe qu'il n'y en aurait pas.

La première moitié de ce programme «espagnol» (d'abord donné deux fois à Québec) était occupée par Manuel de Falla. Tout d'abord: trois danses du Tricorne. Les deux premières servirent de réchauffement à l'orchestre «venu du froid». Se transformant soudain en quelque torero, le chef aiguillonna ses troupes et anima la dernière danse d'une intéressante chorégraphie et, mieux encore, d'une véritable frénésie.

Ce triptyque qu'on appelle en traduction Nuits dans les jardins d'Espagne permit ensuite d'entendre un nouveau pianiste français connu exclusivement par le disque. Bertrand Chamayou avait pris la peine de mémoriser la difficile partition (contrairement à son compatriote Tharaud!). Somptueusement encadré par chef et orchestre, il en traduisit toute la force et toutes les nuances.

Dans les Nuits, le chef a enchaîné le deuxième mouvement au troisième, comme l'indique la partition. Dans la Rapsodie espagnole, il fallait aussi passer immédiatement de la première pièce à la deuxième: il est écrit de le faire.

Orchestre symphonique de Québec. Chef d'orchestre: Fabien Gabel. Soliste: Bertrand Chamayou, pianiste. Hier après-midi, Maison symphonique, Place des Arts. Présentation: OSM, série «Les dimanches en musique».

Programme:

Suite no 2 du ballet El Sombrero de tres picos (1919) - Falla

Noches en los jardines de España, pour piano et orchestre (1915) - Falla

Alborada del gracioso (1918), Rapsodie espagnole (1908) et Boléro (1928) - Ravel