Pour des raisons inconnues, le chef invité au premier concert de la nouvelle année à l'Orchestre Métropolitain, le Vénézuélien Christian Vasquez, était remplacé par le Roumain Cristian Macelaru. Celui-ci est le chef associé du Philadelphia Orchestra et, par le fait même, l'adjoint de Yannick Nézet-Séguin. On peut comprendre que Yannick reste «en famille» pour des cas comme celui-là, et d'autant plus que M. Macelaru semble se spécialiser dans les remplacements.

Le feuillet glissé en hâte dans le programme nous apprend en effet que celui-ci a remplacé un chef «à la dernière minute» et qu'il en a remplacé un autre «au pied levé». Il faudrait nous expliquer la différence. On y lit encore qu'il a dirigé le Chicago Symphony «en remplacement» de Pierre Boulez. Le nouveau venu a-t-il atterri ici à la dernière minute et au pied levé? En tout cas, il a remplacé les Impressioni brasiliane de Respighi, partition fascinante que Dutoit nous révéla à l'OSM en 1996, par un Respighi plus facile, La Boutique fantasque. Le reste du programme est cependant demeuré inchangé.

Concernant le remplacement de chef, indépendamment de la très bonne impression laissée par M. Macelaru, on peut regretter que le patron du Philadelphia, qui est d'abord le patron du Métropolitain, n'ait pas profité de l'occasion pour inviter un jeune chef d'ici, par exemple le très doué Jean-Pascal Hamelin, qui a déjà dirigé, ici même et jusqu'en Amérique du Sud, le répertoire «latino» choisi comme thème du présent programme.

La pièce de résistance en était le deuxième Concerto pour piano de l'Argentin Alberto Ginastera. On peut parler, sinon de révélation, tout au moins de très intéressante découverte apportant enfin du nouveau au répertoire routinier de concertos. L'oeuvre en quatre mouvements sollicite presque sans répit pendant plus d'une demi-heure (dans ce cas-ci, 33 minutes exactement) un soliste luttant férocement contre un orchestre extrêmement chargé, dialoguant tout à coup très doucement avec lui, s'en détachant même pour de longues séquences de piano seul.

Jouant avec la partition et une tourneuse de pages, chose presque inévitable dans une oeuvre aussi complexe, Maxim Bernard, pianiste de 34 ans, de Québec, s'est montré tout à fait à la hauteur de la lourde tâche, à la fois en puissance et en intériorité. Chef et orchestre furent en parfaite synchronisation avec lui et le spectaculaire résultat provoqua une longue et bruyante ovation de la salle presque comble.

Une femme voilée sortit ensuite des coulisses pour offrir des fleurs au pianiste, qui répondit par un rappel, sans l'identifier: un lied de Schubert, Litanei, dans une transcription de Liszt retouchée par Cortot, nous informa-t-il plus tard, ajoutant qu'il est l'un des trois pianistes au monde actuellement à jouer ce rare Ginastera et que, selon l'éditeur, il s'agissait d'une première au Canada.

Le reste du concert fut tout aussi réussi. Le Respighi déjà mentionné (basé sur des pièces pour piano de Rossini) et Le Boeuf sur le toit de Milhaud (d'inspiration brésilienne) sont des suites de concert tirées de partitions de ballet et sont encore bien longues, le Milhaud surtout. Chef et orchestre en soulignèrent brillamment les rythmes et les couleurs. L'exécution du Capriccio espagnol de Rimsky-Korsakov ne fut pas moins bonne que celle, toute récente, de l'OSM; elle fut même plus exacte en ce qui concerne le solo de violon.

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ORCHESTRE MÉTROPOLITAIN. Chef invité: Cristian Macelaru. Soliste: Maxim Bernard, pianiste. Dimanche après-midi, Maison symphonique, Place des Arts.

Programme:

La Boutique fantasque (1919) - Respighi

Concerto pour piano et orchestre no 2, op. 39 (1973) - Ginastera

Le Boeuf sur le toit, op. 58a (1920) - Milhaud

Capriccio espagnol, op. 34 (1887) - Rimsky-Korsakov