Le Bolchoï s'est doté lundi d'un nouveau directeur musical, Tugan Sokhiev, 36 ans, qui dirige actuellement l'Orchestre national du Capitole de Toulouse, une nomination qui devrait aider à redorer l'image du célèbre théâtre russe après une série de scandales.

«Je vous présente Tugan Sokhiev, l'un des jeunes chefs d'orchestre les plus prisés en Occident», a déclaré lundi le directeur du Bolchoï Vladimir Ourine devant des journalistes.

Son prédécesseur Vassili Sinaïski, 66 ans, a démissionné en décembre, quinze jours avant la première très attendue de l'opéra Don Carlo de Verdi, sur fond de scandales et des conflits internes qui secouent depuis des mois le célèbre théâtre russe.

«C'est un choix impeccable qui va améliorer l'image du Bolchoï. Sokhiev est un professionnel qui a une technique irréprochable et un esprit large. Il est jeune, mais il a une expérience de dirigeant», a déclaré à l'AFP Piotr Pospelov, critique musical.

Tugan Sokhiev est depuis 2008 directeur musical de l'Orchestre national du Capitole à Toulouse après avoir été pendant trois ans premier chef invité. Il est directeur musical du Deutsches Symphonie-Orchester de Berlin depuis septembre 2012.

Sa prestation au Théâtre des Champs-Élysées avec l'Orchestre national du Capitole lui a valu d'être nommé «Révélation musicale de l'année» par le Syndicat de la critique en France en 2005.

Sa discographie avec cet orchestre compte quatre enregistrements chez Naïve: les Tableaux d'une exposition de Moussorgski et la Symphonie n°4 de Tchaïkovski, Pierre et le Loup - et Autres pièces russes, le Concerto pour violon n°2 de Prokofiev et les Danses symphoniques de Rachmaninov, et enfin l'Ouverture festive de Chostakovitch et la Symphonie n°5 de Tchaïkovski.

Cette discographie s'est étoffée en décembre 2012 avec un disque Stravinsky L'Oiseau de feu (version de 1919)/Le Sacre du Printemps.

Diplômé du Conservatoire de Saint-Pétersbourg, il a travaillé en étroite collaboration avec le théâtre Mariinski de la deuxième ville russe et a dirigé en 2012-2013 les orchestres philharmoniques de Vienne et  Rotterdam, le Philharmonia Orchestra de Londres (qu'il retrouve régulièrement) et l'Orchestre symphonique de la radio finlandaise. Il fait également ses débuts à la tête de l'Orchestre du Gewandhaus de Leipzig et de l'Orchestre symphonique de Chicago.

Son contrat avec le Bolchoï est signé pour quatre ans mais il ne dirigera son orchestre qu'à partir de la prochaine saison afin de pouvoir honorer ses contrats en cours.

«Je vais garder mes relations avec les orchestres avec lesquels je travaille tout en passant de plus en plus de temps au Bolchoï», a déclaré Tugan Sokhiev.

Pour le critique musical Ilia Ovtchinnikov, le fait que Tugan Sokhiev ait fait l'essentiel de sa carrière en Occident est un avantage important pour le Bolchoï en proie à des conflits internes.

«J'ai été à ses deux concerts qui ne m'ont pas laissé de fortes impressions musicales. Mais un chef d'orchestre qui sait comment on travaille en Europe est une chose plus importante pour le Bolchoï que les aboutissements musicaux», a-t-il souligné, interrogé par l'AFP.

«Il est mieux que Sinaïski. Ce sont de jeunes chefs d'orchestre comme lui qui doivent prendre des postes clés pour que la situation change», a-t-il ajouté.

Le Bolchoï a été secoué l'an dernier par une série de scandales sans précédent.

Le précédent chef d'orchestre Vassili Sinaïski a annoncé sa démission la veille de l'annonce du verdict dans le procès d'un danseur du Bolchoï, Pavel Dmitritchenko condamné à six ans de camp pour avoir organisé en janvier 2013 une attaque à l'acide qui a pratiquement coûté la vue au directeur artistique de l'établissement, Sergueï Filine.

L'affaire a révélé au grand jour les rivalités féroces et les pratiques apparemment douteuses en cours dans les coulisses.

Le danseur étoile du théâtre Nikolaï Tsiskaridzé, accusé presque ouvertement par la précédente direction du Bolchoï d'être l'instigateur de l'attaque, a été remercié en juin. Le directeur du Bolchoï Anatoli Iksanov a été limogé le mois suivant.