«Une soirée complètement Beethoven», promet élégamment l'Orchestre Symphonique de Montréal pour ce programme donné trois fois et marquant la reprise de la saison musicale.

Une voix anonyme annonce d'abord que le concert est enregistré. En fait, ce sont les deuxième et quatrième Symphonies qui le seront, complétant ainsi une intégrale Beethoven-OSM-Nagano entreprise il y a quelques années. La salle presque comble a vite compris qu'il faut éviter d'applaudir entre les mouvements et, surtout, de tousser, d'éternuer, de développer des bonbons ou de jacasser avec le voisin.

Admirable de silence, l'auditoire se retient pendant l'Adagio de la quatrième Symphonie (première oeuvre au programme) et explose ensuite en une telle cacophonie de toux que Nagano se retourne et lui lance un «Je vous aime!» correspondant à «Merci de ne pas avoir gâté mon Adagio.»

Notre maestro ne pouvait hélas! pas adresser le même compliment à ses cornistes, qui ont raté presque toutes leurs interventions. Et il ne pouvait certainement pas donner 10 sur 10 au fameux trait de basson au finale de la même quatrième Symphonie. Aussi bien le dire: impossible de sortir un disque à partir de ce premier soir. Nul doute que ledit disque sera tiré de prises réalisées lors des trois soirs.

Il y a un autre problème: certaines symphonies ont été enregistrées dans d'autres lieux et les effectifs de l'orchestre ont changé au cours des ans. Comment donner à l'ensemble l'unité voulue sur les plans du jeu et de l'acoustique? Peu importe, en vérité, car ce que l'on connaît de cette intégrale ne se distingue guère d'une multitude d'autres. À moins que l'on considère comme des trouvailles cette introduction abusivement lente de la quatrième Symphonie ou ce Larghetto presque rapide et presque sans vibrato dans la deuxième Symphonie.

Mises à part les bavures des cors, les exécutions sont techniquement irréprochables. La position des violons de chaque côté du podium souligne bien leurs dialogues, celle des contrebasses à gauche, des bois au centre et des timbales à droite a certainement, aussi, sa raison d'être.

Comme toujours, Nagano a la partition devant lui (il utilise la nouvelle édition Bärenreiter), mais la regarde peu, l'ignore parfois et s'avance alors vers ses musiciens, comme pour leur dire exactement ce qu'il veut. Ce qu'il obtient d'ailleurs: un jeu toujours très juste et très articulé, plein d'un humour rare chez lui mais conforme à l'esprit de ces «petites» symphonies, et comportant, bien sûr, toutes les reprises indiquées.

Après la quatrième Symphonie, Radu Lupu fait une très lente entrée en scène, comme quelqu'un qu'on vient de tirer du sommeil, prend place sur une chaise et joue bien appuyé au dossier. Le célèbre pianiste roumain marque ses 68 ans. Le jeu a perdu de sa fermeté et de sa beauté, on entend quelques fausses notes et le chef a parfois du mal à le suivre. Étrangement, les doigts sont encore capables de trilles puissants. L'interprète profond est toujours là; le pianiste, comme ailleurs...

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef d'orchestre: Kent Nagano. Soliste: Radu Lupu, pianiste. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise ce soir et demain soir, 20 h. Séries «Grands Concerts».

Programme consacré à Ludwig van Beethoven (1770-1827):

Symphonie no 4, en si bémol majeur, op. 60 (1806)

Concerto pour piano et orchestre no 4, en sol majeur, op. 58 (1806)

Symphonie no 2, en ré majeur, op. 36 (1802)