Le célèbre ténor franco-italien Roberto Alagna, 50 ans, dit avoir retrouvé une «nouvelle jeunesse» et confesse que sa passion pour l'opéra lui a servi de thérapie dans les moments difficiles, dans une interview à l'AFP.

«On dit que l'on chante bien quand on est triste, mais moi je crois que l'on chante mieux quand on est heureux», souligne l'artiste dès le début de l'entretien au Metropolitan Opera de Manhattan, accompagné de sa partenaire, la chanteuse soprano polonaise Aleksandra Kurzak, 36 ans et enceinte de plusieurs mois.

«C'était dur pour moi de passer le cap des 40 ans», raconte-t-il, reconnaissant avoir alors vécu «une petite dépression». «Mais 50 ans c'est plus facile. Je me sens en forme. Peut-être l'histoire du nouveau bonheur, le fait d'attendre un bébé. Je ressens une sorte de jeunesse nouvelle et de sérénité», dit-il.

«C'est comme un nouveau départ».

D'ailleurs, «on le sent dans ma voix. Elle est jeune, elle a de la lumière, elle est brillante. Tout le monde me dit ça», insiste le ténor d'origine sicilienne.

Né en 1963 à Clichy-sous-Bois, dans la banlieue de Paris, Roberto Alagna a déjà une fille, Ornella, la vingtaine, issue de son premier mariage.

Le bonheur et l'enthousiasme retrouvés du chanteur montrent qu'il est parvenu à laisser derrière lui les souffrances de sa séparation avec la soprano roumaine Angela Gheorghiu, sa deuxième épouse, avec qui il a formé durant des années un couple mythique de l'opéra. Leurs noces avaient été célébrées en grande pompe en 1996 au Met par le maire de New York de l'époque, Rudolph Giuliani.

Pour Roberto Alagna, l'opéra a été «le fil conducteur» des membres de sa famille. «Tout le monde a chanté dans ma famille. C'est grâce à l'opéra et au chant qu'ils ont supporté toutes les difficultés de l'immigration, de la pauvreté, de la situation économique, de la situation privée. Et moi aussi», confie l'artiste, qui a connu des moments durs, dont la mort de sa première femme Florence Lancien, décédée d'une tumeur au cerveau en 1994.

«L'opéra m'a tout donné»

«L'opéra pour moi c'est presque une thérapie. L'opéra m'a tout donné. C'est l'opéra qui m'a permis de m'affirmer, de gommer ma timidité, d'affronter le monde, de pouvoir me connaître moi-même. J'ai eu de gros problèmes de santé que j'ai aussi pu surmonter grâce à cette passion pour le chant», insiste-t-il.

«Si je n'avais pas eu cette passion, je serais déjà mort».

Aujourd'hui, Roberto Alagna se sent capable de chanter pendant au moins encore dix, voire vingt ans, et il est convaincu que les critiques et le public seront avec lui.

Le ténor interprète actuellement au Met le peintre Cavaradossi dans La Tosca de Puccini, aux côtés de la soprano américaine Patricia Racette. En décembre, il chantera dans Carmen de Bizet à la Royal Opera House de Londres.

La présentation de Tosca samedi au Met sera retransmise dans le monde entier dans le cadre d'un programme comprenant 1900 cinémas de 64 pays. Selon l'artiste, cette initiative du Met s'inscrit dans la «période extraordinaire» que vit l'opéra. «L'opéra n'a jamais été aussi populaire (...) grâce aux DVD, aux festivals dans le monde entier, à la musique dans toutes les publicités et les films», estime l'artiste, qui a commencé sa carrière dans des cabarets avant de remporter le concours Pavarotti de 1988 à Philadelphie.

Il rejette ainsi les clichés d'un opéra «élitiste» ou «inaccessible», expliquant que, comme dans toute discipline, il s'agit d'une question «d'apprentissage».

Sa vie est intimement liée à celle du Met, où il a commencé en 1996 avec La Bohème. Roberto Alagna admet toutefois être «plus nerveux» aujourd'hui qu'avant: «Plus tu atteins un certain niveau, plus on va te critiquer, plus les gens attendent un miracle».

Le ténor, qui mène aussi une carrière de chanteur populaire, regrette enfin «qu'avec cette crise économique mondiale, on trouve beaucoup d'excuses pour fermer plein de choses» et de lancer «une sonnette d'alarme: «n'abandonnons pas la culture»».