Avec cinq opéras et une comédie musicale présentés d'ici le printemps, le Canadien Robert Carsen est à l'honneur de la saison parisienne.

C'est d'abord à l'Opéra Bastille, qui programme cette année quatre de ses spectacles, qu'on retrouve le Torontois, devenu depuis une vingtaine d'années un des grands noms de la mise en scène lyrique à travers le monde.

Deux de ces spectacles - Les Capulet et les Montaigu, de Bellini, et Alcina, de Haendel, - figurent au répertoire de l'Opéra de Paris depuis les années 1990. Les deux autres y sont présentés pour la première fois. Il s'agit de La Flûte enchantée, de Mozart, que Carsen revisite pour la seconde fois, presque 20 ans après en avoir donné sa première vision au Festival d'Aix-en-Provence, et d'Elektra, de Richard Strauss, qui vient tout juste de prendre l'affiche.

En mars, on retrouvera le Canadien à l'Opéra comique, sorte de Palais Garnier en miniature, avec une nouvelle mise en scène de Platée de Rameau, spectacle qu'il aura créé quelques jours plus tôt à Vienne avec le célèbre William Cristie et ses Arts florissants.

Dans un autre registre, les Parisiens auront eu pendant les Fêtes l'occasion de revoir sa relecture de la comédie musicale My Fair Lady, au Théâtre du Châtelet. Carsen s'adonne avec bonheur au genre plus ««grand public» qu'est le «musical», lui qui a déjà collaboré à deux reprises à Londres avec Andrew Lloyd Webber, le compositeur de Cats.

Cette sorte de saison Carsen s'est ouverte il y a une semaine à Bastille avec Elektra.

Très sombre, baignant dans une pénombre constante, son Electre se déroule dans un décor unique, imaginé par son vieux compagnon de route Michael Levine, autre Torontois, avec qui il a signé 25 spectacles. La tragédie se joue dans le huis clos de hauts murs noirs. Le sol est couvert de terre sombre et meuble. Au milieu s'ouvre le tombeau d'Agamemnon, qu'Electre, sa fille (interprétée par Irène Theorin), veut venger.

«Musicalement, Strauss a poussé l'expressionnisme à ses limites. Le livret de Von Hofmannsthal est le plus subjectif qu'on puisse imaginer. Tout est présenté du point de vue d'Elektra. Cette subjectivité me semble essentielle. Je voulais être dans la tête d'Electre, qui se tient dans une espèce de contrôle permanent pour arriver à faire cette chose terrible : tuer sa mère et son beau-père», explique Robert Carsen.

Il est impossible de résumer la carrière de ce metteur en scène aussi prolifique que demandé. De Mozart à Wagner en passant par Verdi et Tchaïkovski, il a signé depuis un quart de siècle des dizaines de mises en scène pour tous les grands opéras du monde. Sa relation avec celui de Paris, qui est un peu «sa maison», a été particulièrement riche, avec une quinzaine d'oeuvres depuis le début des années 1990.

Installé à Paris et à Londres, Robert Carsen vit surtout dans ses valises. A tout moment de l'année, on peut imaginer qu'une de ses oeuvres se joue quelque part dans le monde. À l'Opéra du Rhin, à Strasbourg, il vient ainsi de conclure, avec De la maison des morts, le cycle Janacek qu'il avait entrepris en 1999 à l'Opéra de Flandre, avec lequel il a aussi énormément travaillé. Au printemps, il réalisera un «rêve de longue date» en mettant en scène La Dame de Pique de Tchaïkovski à Zurich. À la fin de l'année, on le retrouvera au Metropolitan, à New York, où son Falstaff conclura l'année Verdi, après l'avoir inaugurée en janvier à la Scala de Milan.

Depuis cinq ans, Robert Carsen a ajouté une autre corde à son arc, en créant la scénographie d'expositions-événements, comme Marie-Antoinette et Bohème au Grand Palais, ou  L'expressionnisme et la Mode au Musée d'Orsay. Il a dans ses cartons d'autres grands projets d'expos internationales, dont il est «trop tôt pour parler», confie-t-il. Une chose est sûre, Robert Carsen n'est pas prêt de poser ses valises.