L'Orchestre 21 (lire Orchestre du 21e siècle) ouvrait sa cinquième saison par un concert soulignant le centenaire de la naissance de Witold Lutoslawski. Son chef et fondateur Paolo Bellomia y avait inscrit deux oeuvres du compositeur polonais et avait bénéficié à cette occasion du soutien financier de plusieurs organismes polonais. Quelque 400 personnes, dont une forte représentation de la colonie polonaise montréalaise, assistaient au concert - y compris un bébé qui assortit chaque pièce de ses commentaires.

En plus des deux oeuvres de Lutoslawski, le programme comprenait une pièce du regretté André Prévost, présenté ici comme grand admirateur du compositeur, et, pour respecter le caractère polonais du concert, des extraits de Chopiniana, partition de ballet constituée de pièces pour piano de Chopin orchestrées par Glazounov. Le programme en indiquait quatre, en alternance avec les principales oeuvres, mais, avant que l'événement n'atteigne les deux heures et demie, on en élimina une.

Le jeune orchestre réunissait cette fois 45 musiciens. Les uns sont encore aux études, les autres sont des professionnels travaillant ici et là comme surnuméraires. Bien qu'ils se retrouvent rarement ensemble, ils forment déjà un tout homogène et produisent un vrai son d'orchestre, quelques petites bavures étant ici sans importance. À leur tête, ils ont un musicien extrêmement sérieux qui ne lance pas des sourires insignifiants à la galerie en saluant, mais se concentre plutôt sur l'oeuvre qu'il s'apprête à leur faire interpréter.

Jouées par de jeunes musiciennes locales d'origine polonaise, les deux oeuvres concertantes de Lutoslawski, qui formaient l'essence du programme, offrent hélas! peu d'intérêt. Partita pour violon, en cinq sections (trois avec orchestre séparées par deux avec piano) et totalisant 18 minutes, fut lue très correctement par la jeune violoniste Ewa Sas. C'est le chef et l'orchestre qui en soulignèrent la progression dramatique.

Le très long Concerto pour piano de 25 minutes, en quatre mouvements enchaînés et destiné à Krystian Zimerman, qui l'a enregistré, se ramène à un bruyant duel entre le piano et l'orchestre. Ici et là, celui-ci se tait pour laisser un peu de répit au soliste, mais le tout paraît décousu, superficiel et vide. Justyna Gabzdyl est une pianiste de taille. Il faudrait l'entendre dans autre chose pour l'évaluer comme interprète.

En fin de compte, l'«hommage» à Lutoslawski fut éclipsé par l'oeuvre nouvelle de Norbert Palej, compositeur natif de Cracovie qui enseigne la composition à l'Université de Toronto. Bellomia avait dirigé l'une de ses oeuvres il y a quelques années. La pièce, terminée cette année et dont c'était la création, s'intitule Symphony, bien que sa structure ne soit pas celle d'une symphonie traditionnelle. En un unique mouvement de 25 minutes, l'auteur y décrit les conditions d'emprisonnement et de travaux forcés qu'il a connues dans son enfance, sous le régime communiste. À cette fin, il prescrit aux cordes et aux cuivres toutes sortes d'effets évoquant supplices et souffrances et recourt à des instruments rarement utilisés comme le gigantesque marteau de la Sixième de Mahler. Son oeuvre rappelle ce qu'il y a de plus terrifiant chez Chostakovitch.

Venu à Montréal pour cette création, le compositeur s'est dit satisfait du résultat, malgré de légères réserves: il prévoyait une durée de 21 minutes, il aurait souhaité un peu plus de cordes et un marteau encore plus puissant.

La pièce de Prévost est un peu longue mais sonne encore «moderne» 43 ans plus tard. Peu à dire sur les Chopin «revus» par Glazounov: un peu lourds et n'ajoutant rien au programme.

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ORCHESTRE 21. Chef d'orchestre: Paolo Bellomia. Solistes: Ewa Sas, violoniste, et Justyna Gabzdyl, pianiste. Dimanche après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill.