Alina Pogostkina, la délicate violoniste russe que le LMMC présentait hier, a, lit-on ici et là, remporté divers prix de concours et joué en soliste avec plusieurs chefs connus. Ce qui suscite d'autant plus de questions sur ce qu'on a entendu.

Ou bien la petite était carrément indisposée, ou bien son talent s'arrête là, à ces lectures gentilles et sans intérêt. L'impression très nette est que la seconde proposition est la bonne. C'est-à-dire que la nouvelle venue a peu d'envergure comme violoniste, comme musicienne et comme interprète. À bientôt 30 ans, le cas est certainement désespéré. Des étudiantes de conservatoire, ici même, jouent d'une manière autrement plus intéressante.

Le programme était pourtant original: deux sonates de Beethoven en première partie, deux Prokofiev en seconde. La petite joue très juste. Quelques légers grincements ici et là, mais elle joue très juste. Là-dessus, rien à redire. Hélas! pour elle, il y a, derrière, une pianiste qui prend toute la place. Mais Diana Ketler, de Lettonie, a raison de le faire puisque Beethoven indique bien ses sonates «pour piano et violon». Le piano d'abord, le violon comme guirlande complémentaire.

Et c'est ce qu'on entend: un piano extrêmement agissant, très nourri, très musical, mais une ligne de violon qui s'y glisse timidement, au point de devenir inaudible par moments. Souvent, on se surprend à écouter le piano plutôt que le violon et à redécouvrir ainsi toute la richesse de la partie de clavier de ces sonates.

On note que, par deux fois, la pianiste sort de scène en hâte avant la violoniste; la deuxième fois, celle-ci trébuche dans sa robe trop longue.

De Prokofiev, ce sont tout d'abord les Cinq Mélodies adaptées de pièces vocales. Cela compte parmi les choses les plus insipides de Prokofiev et la nouvelle venue y excelle.

Elle conclut sur la première Sonate, op. 80. Les longs et mystérieux traits en triples croches qui l'ouvrent et la ferment sont rendus dans un souffle ininterrompu. Tout ce qui intervient entre-temps pose d'énormes problèmes d'exécution et la petite y peine comme quelqu'un qui va se noyer. Or, dès que la difficulté devient trop évidente, cette musique perd tout son intérêt.

La moitié de la salle a fui dès après la dernière note. L'autre moitié a eu droit à un rappel: Mélodie op. 42 no 3 de Tchaïkovsky.

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ALINA POGOSTKINA, violoniste, et DIANA KETLER, pianiste. Hier après-midi, Pollack Hall de l'Université McGill. Présentation: Ladies' Morning Musical Club.

Programme:

> Sonate no 6, en la majeur, op. 30 no 1 (1802) - Beethoven

> Sonate no 4, en la mineur, op. 23 (1801) - Beethoven

> Cinq Mélodies, op. 35b (1925) - Prokofiev

> Sonate no 1, en fa mineur, op. 80 (1938-1946) - Prokofiev