Véritable phénomène du monde musical, Menahem Pressler aura 90 ans le 16 décembre et ne réduit aucunement ses activités, bien au contraire. «Je m'en étonne moi-même!», lance-t-il en riant, au téléphone, de Bloomington, Indiana, où il habite et enseigne depuis bientôt 60 ans.

Véritable phénomène du monde musical, Menahem Pressler aura 90 ans le 16 décembre et ne réduit aucunement ses activités, bien au contraire. «Je m'en étonne moi-même!», lance-t-il en riant, au téléphone, de Bloomington, Indiana, où il habite et enseigne depuis bientôt 60 ans.

Le célèbre pianiste jouera trois fois à la Virée classique de l'OSM, à la Place des Arts, la semaine prochaine. On l'entendra vendredi soir, 20 h 30, à la Cinquième Salle, dans la grande Sonate D. 960 de Schubert; samedi après-midi, 14 h 15, même salle, dans la Sonate op. 110 de Beethoven et, avec le violoniste Augustin Dumay, dans la Sonate K. 454 de Mozart; enfin samedi soir, 21 h 30, à la Maison symphonique, avec Kent Nagano, l'OSM et le très jeune Kit Armstrong dans un autre Mozart, le Concerto pour deux pianos.

On a connu Pressler surtout comme pianiste du Trio Beaux-Arts, qui exista de 1955 à 2008, soit pendant plus d'un demi-siècle, se produisant à travers le monde et un nombre incalculable de fois à Montréal. Seul survivant de la formation originale, qui comprenait le violoniste Daniel Guilet et le violoncelliste Bernard Greenhouse (tous deux décédés), il fut aussi l'unique - et irremplaçable! - pianiste de cet ensemble qui connut cinq violonistes et trois violoncellistes.

Ces changements affectèrent-ils le style du TBA? Hésitation. «Un peu, surtout du côté du violon, vers la fin. La formation qui m'a satisfait le plus, c'est encore la première, avec Guilet et Greenhouse.»

La croissance soliste

Avant la création du Beaux-Arts, Pressler mena une carrière de soliste: récital et concert avec orchestre. Il avait 6 ou 7 ans lorsqu'il joua pour la première fois en public et donna son premier récital professionnel à 17 ans. «J'avais demandé à mon professeur de m'enseigner la plus difficile de toutes les oeuvres pour piano: Islamey de Balakirev.»

Le TBA naquit de sa rencontre avec Guilet et Greenhouse et de leur amour mutuel pour la musique de chambre. Une vie passionnante, remplie de tournées et d'enregistrements, mais qui empêcha Pressler de faire carrière seul. «Maintenant que le Beaux-Arts n'existe plus, je peux enfin faire la carrière que j'ai toujours souhaitée. Et je vais avoir 90 ans!»

Il vient d'enregistrer chez BIS les Schubert et Beethoven qu'il jouera à la Virée classique et sera soliste la saison prochaine à l'Orchestre Philharmonique de Berlin, à l'Orchestre de Paris et au Concertgebouw d'Amsterdam. Il y a quelques jours, il jouait deux fois au Festival de Verbier, en Suisse: en récital et en duo avec le violoniste Maxim Vengerov. Puis, il allait au Festival d'Oxford accompagner le ténor Christoph Prégardien dans le cycle Winterreise de Schubert.«J'arrive tout juste d'Oxford. Ils veulent que j'y retourne pour une série de conférences. Décalage horaire? Je n'en sens aucun pendant que je vous parle!»

Énergie et lucidité

D'où viennent donc cette énergie et cette lucidité qui étonnent tout le monde? «Je ne sais pas. Cela vient probablement de l'immense joie que j'éprouve, et que j'ai éprouvée toute ma vie, à faire de la musique. Mon médecin me dit: Ils t'ont oublié là-haut!» Et combien d'années de carrière se donne-t-il encore? «Après ce que j'ai vécu depuis deux ou trois semaines, je pense que je suis prêt à battre le record de Horszowski!»

Référence ici au pianiste polonais Mieczyslaw Horszowski, qui a enregistré jusqu'à l'âge de 96 ans. M. Pressler ne boit pas, ne fume pas, mange légèrement et dort bien: six ou sept heures par nuit. Comme bien des personnes âgées, il doit prendre certains médicaments (pression artérielle, cholestérol), mais c'est tout. Il n'a pas besoin de lunettes et conduit encore sa voiture. Il converse sur son cellulaire et vient de changer son ordinateur et de s'acheter un iPad.

Menahem Pressler, à la fois homme moderne et homme du passé, que répond-il à ceux qui affirment que la musique classique se meurt?

«Je réponds qu'ils sont absolument dans l'erreur. Je fais le tour du monde et je vois partout des jeunes à mes concerts et à mes cours. Ils viennent pour apprendre et je leur donne, si je peux dire, ma recette. Écouter et jouer la musique des grands maîtres leur enseigne à enrichir leur propre vie et celle des autres, à donner à cette vie une signification.»