La brochure du Festival de Lanaudière décrit Marc-André Hamelin comme «l'un des plus grands virtuoses canadiens d'aujourd'hui».

Il faut remplacer le mot «virtuoses» par «pianistes», parce que Hamelin est beaucoup plus qu'un virtuose. Il faut surtout éliminer le mot «canadiens», non pas pour des raisons politiques mais parce que le terme est trop restrictif. Hamelin est maintenant reconnu partout, dans le monde entier, comme l'un des grands représentants actuels du piano. Virtuose phénoménal, certes, mais musicien racé qui, à bientôt 52 ans, continue de s'affirmer comme interprète, accompagné d'une discographie déjà énorme qui augmente sans cesse.

Comment donc expliquer l'auditoire étonnamment faible - 2000 personnes environ - devant lequel Hamelin s'est retrouvé vendredi soir, chez lui, à l'Amphithéâtre? D'accord, il ne faisait pas très chaud. Par ailleurs, Hamelin ne donne pas un «show» et nos gens adorent les pianistes qui leur en mettent plein la vue. Quand même, il a déjà fait salle comble. Ce qui nous amène à une troisième proposition, et sans doute la bonne: Hamelin avait établi un programme des plus rébarbatifs et le grand public, voyant des noms aussi peu familiers que Scriabine et Medtner, ne s'est pas dérangé.

À la rigueur, Haydn mettait un peu l'auditeur en confiance. Mais les deux autres!... Du reste, il y avait lieu de se demander si Hamelin n'était pas d'abord venu vendre ses disques. On annonça au micro qu'il autographierait ceux-ci après le récital. Or, deux des sonates au programme figurent à ses intégrales déjà disponibles (Scriabine et Medtner) et la troisième se trouve dans l'un des trois coffrets d'une intégrale sans doute projetée (Haydn).

Comme toujours, le récital trouva Hamelin au sommet de sa forme technique et musicale, avec le contrôle le plus total de la matière pianistique et du texte à faire passer. À cet égard, pas le moindre problème. Le problème, c'était le programme. De Haydn, il avait choisi l'une des moins intéressantes de toutes les sonates. À cette première erreur s'en ajoutait une autre : placer côte à côte deux sonates trop voisines du répertoire russe post-romantique, soit la troisième de Scriabine et la septième de Medtner (identifiée dans le programme comme étant la deuxième).

Scriabine et Medtner ont leurs inconditionnels, mais ceux-ci ne sont pas très nombreux, si l'on en juge par l'assistance de vendredi soir! Quoi qu'il en soit, cette musique, pourtant habile et généreuse pianistiquement, se ramène à des élucubrations qui s'en vont dans toutes les directions, surtout dans le cas du délirant Scriabine, car Medtner dessine un ou deux petits motifs qui évoquent timidement son très supérieur contemporain Rachmaninov.

Encore une fois, magistrale interprétation, les écrans géants montrant le pianiste plongé dans les abîmes de la pensée. L'ovation le ramena sur terre et il annonça un rappel, puisé là encore au répertoire ésotérique qu'il affectionne: Étude op. 1 no 2 de Paul de Schlözer, très obscur contemporain de Brahms. 

MARC-ANDRÉ HAMELIN, pianiste. Vendredi soir, Amphithéâtre Fernand-Lindsay de Joliette. Dans le cadre du 36e Festival de Lanaudière.

Programme :

Sonate no 20, en do mineur, Hob. XVI:20 (1771) - Haydn

Sonate no 3, en fa dièse mineur, op. 23 (1897) - Scriabine

Sonate no 7, en mineur, op. 25 no 2 (Le Vent nocturne) (1911) - Medtner