Organiste aux moyens prodigieux, registrateur à l'imagination inépuisable et, par-dessus tout, très grand musicien. Olivier Latry est tout cela en même temps. Il nous l'a démontré à maintes reprises et, une fois de plus, lors de ce récital au magnifique Casavant des Saints-Anges de Lachine.

Réinvité à l'Académie estivale d'orgue de McGill, le principal titulaire de Notre-Dame de Paris marquait les 850 ans de la célèbre cathédrale par un programme où il avait réuni des pièces composées par six de ses prédécesseurs à ce poste. Il fit d'abord revivre trois anciens dont le mandat à Notre-Dame se situe avant et après 1750, soit les très obscurs Nicolas Séjan et Antoine Calvière et le plus connu Claude-Bénigne Balbastre. Un grand saut dans l'histoire nous conduisait à Louis Vierne, mort à la console en 1937, Jean-Pierre Leguay, toujours vivant, et Pierre Cochereau, décédé en 1984.

Ce programme - enregistré par M. Latry sur un disque récent - n'est malheureusement pas du plus grand intérêt. Des six organistes représentés, il y en a au moins un dont on possède de grandes oeuvres: Louis Vierne. L'une de ses six Symphonies pour orgue méritait ici une place. M. Latry avait préféré trois des Pièces de fantaisie, qui sont d'un genre plus léger.

Il faut cependant reconnaître l'extraordinaire dimension musicale et organistique qu'il conféra à tout ce qu'il avait programmé. La très nombreuse assistance pouvait d'ailleurs le voir à l'oeuvre sur un écran géant, jouant presque tout de mémoire, les deux mains courant sur les quatre claviers et les deux pieds s'affairant avec la même dextérité.

L'énergique organiste de 51 ans tira le maximum de cet orgue qu'il connaît déjà, y compris des timbres flûtés évoquant les plus fins instruments baroques français. Le gros cluster qui fit sursauter quelques auditeurs dans la Marseillaise version Balbastre est bel et bien indiqué: il décrit les bruits de la Révolution. L'orgue entier, y compris le caverneux bourdon 32-pieds à la pédale, fut mis à contribution dans le Carillon de Westminster de Vierne - sans les chamades cependant, qu'on allait entendre plus tard. Le Boléro tout en crescendo de Cochereau fut assorti de l'imperturbable caisse claire du jeune Philip Hornsey.

Olivier Latry conclut son programme par une improvisation extrêmement virtuose et tonitruante de 16 minutes sur le Salve Regina. Il remercia l'ovation de la deuxième galerie, descendit pour saluer de nouveau et recevoir des fleurs, et remonta là-haut pour un rappel: le finale de la première Sonate d'Alexandre Guilmant, joué avec une assurance à couper le souffle.

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OLIVIER LATRY, organiste. Jeudi soir, église des Saints-Anges de Lachine (orgue électropneumatique Casavant, 1920-2001; 65 jeux, quatre claviers manuels et pédale).