En musique, c'était la «soirée des dames» hier à Montréal. Manon rendait son dernier souffle à Wilfrid-Pelletier, Rachel Barton Pine et son violon trônaient au Festival de musique de chambre et l'une des héroïnes les moins connues de Handel, la princesse chrétienne Theodora, faisait son entrée à la Maison symphonique devant 1 800 spectateurs, portée par l'orchestre et le choeur que dirige Bernard Labadie, soit les Violons du Roy augmentés de bois, cuivres, timbales, orgue de chambre, clavecin et archiluth (28 musiciens en tout) et la Chapelle de Québec (30 choristes, hommes et femmes).

Le choix de Labadie pour clore sa saison était original et audacieux. Jamais monté encore à Montréal, Theodora, l'avant-dernier et l'un des moins connus des oratorios de Handel, est aussi l'un des plus remarquables et l'un des plus longs: trois pleines heures de musique. Avec un entracte de 20 minutes et une pause de 10 minutes, l'ensemble faisait une soirée de trois heures et demie. On est entré à 19h30 et on est sorti à 23h.

C'était très long, oui. Mais c'était fort beau et même intéressant à suivre parce que l'oeuvre comporte un scénario captivant, proche de l'opéra. En fait, Theodora est parfois donné avec mise en scène, décors et costumes. L'action nous transporte sous le règne de l'empereur Dioclétien. Theodora et son entourage, tous chrétiens, ayant refusé de participer à un sacrifice en l'honneur des dieux romains, le gouverneur Valens livre la princesse en pâture à ses soldats. L'un d'eux, Didyme, amoureux d'elle et secrètement chrétien, la délivre mais est condamné à sa place. Pour le remercier, elle choisit de mourir avec lui.

L'oeuvre est imposante et elle a reçu une réalisation en accord. Les cinq solistes sont extrêmement sollicités sur le plan de la virtuosité vocale et tous furent à la hauteur de ces exigences, et jusque dans tous ces «da capo» qui n'en finissent plus; de même, malgré les limites du concert, ils rendirent leurs personnages avec vérité.

En robe rouge écarlate, Karina Gauvin domina la distribution. On connaît sa voix, sa technique et ses dons expressifs : tous ces éléments étaient à leur sommet. Marie-Nicole Lemieux incarnait la compagne chrétienne de Theodora. Ici, voix plus héroïque, assortie de quelques sons graves, presque de contralto, mais un chant parfois affecté et même ennuyeux.    

Labadie, qui donne beaucoup dans le British, comme chacun sait, avait invité trois chanteurs de là-bas pour les autres rôles, tous masculins. En Didyme, le jeune haute-contre Iestyn Davies a été une sorte de révélation : voix extrêmement claire et brillante, ornementation toujours soucieuse d'expression. Le baryton Andrew Foster-Williams a incarné avec beaucoup de force le brutal Valens. On aimera le retrouver cet été à Lanaudière en Telramund de Lohengrin. Le ténor Allan Clayton s'est montré très correct en Septime, personnage jouant sur les deux tableaux puisque, soldat romain, il est l'ami de Didyme et compatit au sort de Theodora. Sortant du choeur, Jacques Olivier Chartier a eu de la difficulté à chanter dans un anglais convenable les quelques phrases du messager.

Encadrant la distribution, orchestre et choeur furent irréprochables, comme ils le sont habituellement. Labadie obtint de ses instrumentistes des raffinements comme on en a rarement entendu. On aurait simplement aimé, de la part du choeur, une meilleure différenciation selon qu'il représentait les «méchants» païens et les «bons» chrétiens.

THEODORA, oratorio en trois parties, livret de Thomas Morell, musique de George Frideric Handel, HWV 68 (1750). Les Violons du Roy et la Chapelle de Québec. Chef d'orchestre: Bernard Labadie. Solistes : Karina Gauvin, soprano, Iestyn Davies, haute-contre, Marie-Nicole Lemieux, mezzo-soprano, Allan Clayton, ténor, et Andrew Foster-Williams, baryton. Samedi soir, Maison symphonique, Place des Arts.