Les deux respectables musiciens entrent en scène en même temps. Chose normale, le pas est quelque peu ralenti: David Zinman, le chef d'orchestre, a maintenant 76 ans et Stephen Kovacevich, le pianiste, en a 72. Nés aux deux extrémités des États-Unis, Zinman à New York, Kovacevich à Los Angeles, ils se retrouvent à l'OSM devant Mozart.

Ce n'est pas leur première visite ici. Pour le pianiste, il faut se rappeler cependant qu'on l'a connu sous deux autres noms: d'abord Stephen Bishop, ensuite Stephen Bishop-Kovacevich.

Le concert débute avec Mozart et son Concerto K. 456. Le pianiste presse un peu au début et commet quelques petites fautes, de celles que cette musique ne pardonne absolument pas. Rien de grave: le jeu restera clair et musical jusqu'à la fin. Le mouvement lent, en sol mineur, s'ouvre par une formule en variations comportant quatre phrases d'une grande tristesse jouées deux fois. Le pianiste y atteint une émotion que viennent souligner les bois de l'orchestre réduit. Interprète imaginatif, il crée ensuite un fort contraste avec un moqueur rondo final.

Le programme n'indique pas de qui sont les cadences. On dirait celles de Mozart, modifiées par le pianiste. Quoi qu'il en soit, ces 30 minutes de Mozart seront les meilleures de la soirée.

L'après-entracte découvre un orchestre trois fois plus gros qui remplit complètement la scène. David Zinman a programmé la cinquième Symphonie de Mahler et la fait en 75 minutes. Une bonne moyenne: Nagano l'a déjà faite en 79 minutes et Talmi, en 63. L'oeuvre débute par un solo de trompette à découvert fort redouté dans le métier. Merkelo le joue impeccablement... jusqu'à ce que l'inévitable se produise: il «craquera» au moins deux fois un peu plus tard. On entend aussi quelques petites attaques imprécises chez les deux sections de violons.

Les cinq mouvements de la lourde partition sont groupés en trois grandes parties, lesquelles sont séparées par de courtes pauses qui permettent au chef de se reposer sur un petit tabouret placé derrière lui. Comme tout le monde, il a le droit d'être physiquement fatigué. Le problème, c'est qu'on sent de la fatigue dans la réalisation musicale. Ce n'est pas parce que le tout fait énormément de bruit et qu'on voit le timbalier se déchaîner sur ses caisses que le résultat est, automatiquement, du grand Mahler. Cette lecture demeure presque toujours au premier degré. Il n'y a pas de pensée, pas d'âme, derrière tout ce tapage. Comme pour faire oublier ce vide, le chef fait venir Zirbel à l'avant-scène pour le solo de cor au Scherzo. Parfait, sauf que Zirbel «craque» lui aussi... une fois.

On note une certaine folie bien mahlérienne dans le Scherzo, mais l'interprétation s'arrête là. Le déchirant Adagietto popularisé par le cinéma est particulièrement décevant. Le chef n'y communique absolument rien. Les violons réussissent même à y manquer de justesse à un moment donné.

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ORCHESTRE SYMPHONIQUE DE MONTRÉAL. Chef invité: David Zinman. Soliste: Stephen Kovacevich, pianiste. Hier soir, Maison symphonique, Place des Arts; reprise ce soir, 20 h. Séries «Grands Concerts».

Programme:

Concerto pour piano et orchestre no 18, en si bémol majeur, K. 456 (1784) - Mozart

Symphonie no 5, en do dièse mineur (1904) - Mahler