Comme pour faire oublier qu'il est en retard de 15 minutes, Itzhak Perlman entre à toute vitesse sur sa voiturette. Spectacle à la fois comique et touchant, comme celui d'un enfant de bonne humeur. La Maison symphonique est remplie à sa capacité. Il a même fallu asseoir des gens sur la scène, tant la demande a été forte pour entendre et voir le violoniste de 67 ans, victime de la polio.

Les premières mesures de la première Sonate de Beethoven découvrent un niveau de jeu qui ne changera guère pendant la presque totalité du programme, et qui se ramène à ceci: un discours routinier, sans réel engagement, un phrasé sans grand caractère et parfois même un peu paresseux, un son plutôt beau mais sans grande projection et, surtout, une intonation presque toujours légèrement approximative.

L'intonation. C'est le principal défaut de Perlman tel qu'il est maintenant, en fin de carrière. Ce n'est jamais carrément faux, certes non. Mais ce n'est jamais parfaitement juste, à 100 pour 100. On dirait toujours qu'il manque quelques harmoniques. «The reigning virtuoso of the violin», clame la notice biographique imprimée dans le programme. Que sont, alors, Maxim Vengerov et Hilary Hahn, pour ne mentionner que ces deux-là!

À la même heure débute, à quelques rues de là, le Concours international de violon et il s'y trouve très certainement des débutants qui jouent avec plus de conscience professionnelle que celui qu'on a devant soi.

Beethoven a indiqué ses 10 Sonates «für Pianoforte und Violine» et le pianiste Rohan De Silva y prend tout l'espace qui lui a été assigné. Très souvent, comme dans la dramatique troisième variation, on écoute le piano plutôt que le violon. M. Perlman fait toutes les reprises sans exception. C'est ici son seul mérite.

L'unique Sonate de Franck exige également le maximum du pianiste et, là encore, M. De Silva vole presque la vedette, avec un piano éloquent et fougueux qui anéantit un violon presque racoleur, avec ses petits portamentos et sa sonorité sucrée.

Itzhak Perlman a toujours été plus à l'aise dans les musiques où style et profondeur ont peu d'importance. Malgré une articulation ici et là cotonneuse, son Tartini se termine brillamment par une longue séquence pour violon seul. Vient ensuite la période des pièces que le violoniste annonce lui-même, au milieu de «jokes» où la foule rit tellement fort qu'on entend mal les titres.

Sur son Stradivarius (indique l'OSM, sans préciser l'année), le violoniste joue cinq pièces, signées Pugnani-Kreisler, Tchaïkovsky, Wieniawski, John Williams et Brahms. À 22 h 10, il joue encore, puis annonce, en rappel, La Ronde des lutins de Bazzini, qu'il traverse avec cet éclat et cette exactitude d'autrefois qu'on attend depuis deux heures.

Après le désastre de dimanche dernier, l'auditoire, cette fois, a été très sage: il n'a pas applaudi entre les mouvements et, s'il a beaucoup toussé, il l'a fait entre les pièces.

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ITZHAK PERLMAN, violoniste, et ROHAN DE SILVA, pianiste. Mardi soir, Maison symphonique, Place des Arts. Présentation conjointe: OSM-Société Pro Musica.

Programme:

Sonate no 1, en ré majeur, op. 12 no 1 (1798) - Beethoven

Sonate en la majeur (1886) - Franck

Sonate en sol mineur (Il Trillo del diavolo) (1713) - Tartini

Pièces annoncées par M. Perlman