L'Orchestre symphonique de Montréal (OSM) est revenu samedi d'Amérique du Sud où il n'avait pas joué depuis 15 ans. On l'y a accueilli avec tant d'enthousiasme qu'il pourrait bien y retourner d'ici quelques années, nous dit Kent Nagano. Mais pas avant de visiter l'Europe puis la Chine et le Japon.

Quand les musiciens de l'OSM ont pris l'avion tôt mercredi matin à destination de Bogota, dernière étape de la tournée de quatre pays sud-américains où ils jouaient vendredi soir, ils étaient encore sous le charme - ou sous le choc, c'est selon - de l'accueil qu'on leur avait réservé la veille et l'avant-veille au Teatro Colón de Buenos Aires.

«On s'était tous réveillés à 6h et, normalement, on ne parle pas beaucoup quand on arrive à l'aéroport à cette heure-là après un concert qui s'est terminé tard la veille, raconte Kent Nagano en rigolant au bout du fil. Mais pour l'OSM, ce fut l'une de ces très rares expériences qu'on ne va tout simplement pas oublier. Mes collègues et moi étions stupéfaits de la réaction du public. Ce fut une véritable explosion», d'ajouter le maestro sur le ton le plus sobre qui soit.

L'OSM avait joué au Teatro Colón il y a 15 ans, mais Kent Nagano n'avait encore jamais dirigé d'orchestre dans cette salle prestigieuse qui a accueilli Toscanini, Caruso et même Puccini, le soir de son ouverture. «Tous les grands sont passés par ce théâtre où le Mozarteum Argentino invite la crème de la crème depuis les années 50, rappelle M. Nagano. On sentait une certaine excitation dans l'orchestre qui s'est donné à 200%. On donne toujours le maximum, mais de temps en temps, on monte d'un cran, on transcende nos limites.»

Un public exigeant

Pourtant, cette étape à Buenos Aires n'était pas sans risque. La riche tradition musicale du Teatro Colón a fait de ses habitués un public exigeant, parfois même difficile. «Notre hôte nous a expliqué que quand le public n'est pas satisfait, il le montre très clairement: il n'applaudit pas du tout, il siffle ou il lance carrément des objets, raconte Kent Nagano. Or nous y sommes allés avec deux programmes pas du tout faciles. On connaît bien le lien entre l'Allemagne et l'Argentine et notre premier concert proposait Wagner et Brahms, avec Liszt entre les deux. Des oeuvres substantielles, profondes et sans compromis.»

Il faut dire que l'OSM s'est présenté à Buenos Aires fort de trois soirées à guichets fermés au Brésil et en Uruguay. À La Sala São Paulo, où La Presse était présente, le public en délire ne voulait plus laisser partir l'orchestre montréalais après lui avoir réclamé trois rappels.

«Mes collègues et moi avons tous été impressionnés par la qualité d'écoute et la réaction chaleureuse des spectateurs brésiliens, dit Kent Nagano. L'atmosphère était à la fois joyeuse et explosive [...]. À Rio, qui présente moins de concerts que São Paulo parce qu'il n'a pas les mêmes moyens financiers, on a vraiment senti que c'était un genre d'événement: les spectateurs réagissaient spontanément entre les oeuvres et même entre les mouvements. On se serait cru à un match de hockey du Canadien!»

Certains musiciens de l'orchestre ont profité de cette tournée pour échanger avec des professeurs de musique et des musiciens des orchestres sud-américains dans des classes ou des ateliers. Le clarinettiste solo de l'orchestre de São Paulo a même invité André Moisan à son atelier de fabrication de clarinettes artisanales où il a ajouté du bois brésilien (aroreira) dans le barillet et le pavillon de son instrument. Et samedi matin, à Bogota, l'OSM a invité à sa répétition des étudiants en musique, des jeunes moins favorisés et des professionnels du milieu musical colombien.

Il serait étonnant que l'orchestre montréalais attende 15 ans encore pour renouer avec le public enthousiaste de l'Amérique du Sud. «Tout est possible, répond Kent Nagano. Partout, on nous a demandé quand on reviendrait et tous les promoteurs ont dit qu'ils espéraient que ça se fasse le plus vite possible.»

En tout cas, ça ne se fera pas avant 2016 puisque La Presse a appris que l'an prochain, l'OSM donnera des concerts en Europe et qu'en 2015, il ira jouer pour les mélomanes chinois et japonais.

Comme nous l'avait dit le maestro avant le début de cette tournée sud-américaine: «On retourne presque férocement sur le marché international.»