Première surprise : un organisme dont on n'a jamais entendu parler, qui s'appelle Concerts de la Métropole, annonce qu'il va présenter, sous la direction d'un chef de 22 ans dont on n'a jamais vu le nom, Maximilien Brisson, la colossale sixième Symphonie de Mahler, rien de moins, avec un orchestre de 90 jeunes musiciens de l'UdM, de McGill et du Conservatoire, et que le lieu choisi pour l'événement est une église du boulevard Saint-Joseph, côté est.

On ne peut pas ne pas être là, et on y est!

Deuxième surprise : ce qu'on écoute là se compare au meilleur Mahler qui soit, tant au disque qu'au concert.

Quelques précisions, avant d'aller plus loin. Le concert a été annoncé il y a quelques jours seulement, et fort discrètement; par ailleurs, il faisait un peu trop beau samedi soir pour aller écouter du Mahler dans une église. Deux raisons qui, certainement, expliquent le mince auditoire : une centaine de personnes, soit à peine plus que la masse d'instrumentistes entassés dans le sanctuaire.

Ils devaient être 90. Pour des raisons inconnues, ils étaient 78. Ce qui reste quand même substantiel. L'orchestre est tellement nouveau qu'il n'a pas encore de nom officiel. Mais le grand sujet d'étonnement, c'est le chef. Il n'a pas encore 22 ans et il n'a jamais étudié la direction, nous a-t-il confié après le concert. Il est tromboniste et il a appris à diriger en jouant sous la direction de Louis Lavigueur et de Jean-François Rivest. Et il s'est visiblement identifié au langage de Mahler en écoutant des enregistrements. Il énumère une bonne quantité de versions de cette sixième Symphonie, à commencer par la plus ancienne, celle de F. Charles Adler, réalisée en 1952.

On croit que les jeunes musiciens d'aujourd'hui manquent de références. Voici la preuve du contraire. Même chose pour ceux qui croient blasé un critique qui écrit sur la musique depuis 60 ans. Ce critique a été bouleversé par ce qu'il a entendu. Il a même eu les larmes aux yeux. Parce que cette Sixième de Mahler, celle qu'on appelle parfois Tragique, est peut-être, justement, la plus bouleversante de toutes et qu'elle fut traduite dans sa pleine et terrifiante dimension par cet étonnant jeune chef et tous ces musiciens de sa génération qu'il aiguillonnait à chaque instant.

M. Brisson dirige avec la partition, mais sans la regarder vraiment, et il dirige avec une baguette, ce qui est prudent, dans les circonstances. Il fait la reprise au premier mouvement, il choisit l'ordre Scherzo-Andante pour les deux mouvements du centre, et il se limite, au Finale, à deux coups de massue au lieu de trois. Durée totale : 85 minutes, ce qui est une bonne moyenne.    

Nous l'avons déjà dit : ce Mahler ressemblait aux meilleurs que nous ayons entendus. Il y eut quelques petites fautes ici et là, une mesure des premiers-violons à découvert qui frisait le quart de ton, une ou deux entrées en retard, et la réverbération de la nef peu remplie créait beaucoup de confusion dans les tutti. Tout cela est sans importance et se produit même dans les orchestres professionnels. L'orchestre que voici possède un vrai son d'orchestre, toutes les sections sont solides, et il nous a donné là davantage qu'une simple exécution : une véritable interprétation.

M. Brisson poussait les musiciens aux limites de leurs instruments. Il ne craignait pas de faire sonner ceux-ci étrangement, comme le demande Mahler. Son Scherzo était, comme il se doit, nonchalant et caricatural. En contraste, son Andante était rempli d'une indicible douceur. Il atteignit le comble au Finale : explosif, d'un délire total, avec son tuba sinistre et plusieurs événements se déroulant partout en même temps jusqu'au quasi-silence de la toute fin brutalement rompu par un fortissimo qui en fit sursauter plusieurs.

ORCHESTRE DES CONCERTS DE LA MÉTROPOLE. Chef d'orchestre : Maximilien Brisson. Samedi soir, église Saint-Pierre-Claver.

Programme : Symphonie no 6, en la mineur (1906) - Mahler