Le Quatuor Tokyo a inclus Montréal dans sa tournée d'adieu et quelque 500 fidèles sont venus l'écouter à Pollack, où le Ladies' Morning Musical Club le présentait pour la onzième fois, exceptionnellement en hors-série.

Formé au Juilliard School de New York en 1969 par quatre étudiants japonais (dont une femme comme second-violon), le Tokyo a connu en 44 ans cinq changements d'effectifs, ce qui est moins dramatique que chez certains autres quatuors.

Un homme, Kikuei Ikeda, a remplacé la violoniste du second-pupitre en 1974, mais le groupe a conservé son identité japonaise jusqu'en 1981, année où le poste de premier-violon passa au Canadien Peter Oundjian. Aujourd'hui chef du Toronto Symphony, Oundjian fut remplacé au Tokyo en 1996 par le Russe Mikhaïl Kopelman, venu du Quatuor Borodine.

La carrière de Kopelman au Tokyo fut brève : six ans. Martin Beaver, un autre Canadien (comme Oundjian), lui succéda en 2002. Le pupitre d'alto est occupé depuis le tout début par Kazuhide Isomura et le violoncelliste de la formation originale demeura en poste pendant 30 ans, le Britannique Clive Greensmith l'ayant remplacé en 1999.

La tournée d'adieu du Tokyo le conduira à New York, Philadelphie et d'autres villes de l'Est des États-Unis au cours des prochains jours, puis au Japon, en Australie et en Nouvelle-Zélande en mai, en Autriche en juin, et se terminera le 6 juillet au Festival de musique de chambre de Norfolk, Conn., où le groupe est «en résidence» depuis 1976.

Les programmes diffèrent, bien sûr, au cours de la tournée. Celui que le Tokyo avait choisi pour Montréal était, semble-t-il, un inédit.

Nulle part, dans nos archives des concerts précédents du Tokyo, soit au LMMC, soit à Pro Musica, à Lanaudière et ailleurs, nous n'avons retracé d'exécutions précédentes, par le groupe, des trois oeuvres jouées vendredi soir.

Interrogé à ce sujet, l'altiste Isomura, membre fondateur du Tokyo, ne se rappelle pas non plus avoir joué ces oeuvres ici. La liste des prestations passées du Tokyo contient des hauts et des bas.

Le concert de vendredi soir fait partie de ce qu'il nous a offert de plus beau. Sans montrer le moindre signe de fatigue ou de routine, ces quatre musiciens qui font équipe depuis une dizaine d'années ont donné là leur maximum sur tous les plans: justesse, coordination des archets, équilibre et beauté sonores, unité de pensée et, par-dessus tout, engagement collectif absolument total.

En fait, on regrettait de les voir quitter la scène musicale. Dure entrée en matière: l'opus 95 de Beethoven. L'éloquence et la force du Tokyo font oublier qu'on écoute l'un des quatuors les moins attachants du corpus.

Le cinquième de Bartok est une complexe création en cinq mouvements disposés en arche: deux mouvements rapides, encadrant deux mouvements lents qui, à leur tour, encadrent un autre mouvement rapide.

Le Tokyo traverse ces 34 minutes avec une prodigieuse virtuosité et une multiplicité de raffinements instrumentaux.

En fin de concert, il aborde l'unique Quatuor de Ravel avec un lyrisme et une chaleur qui en renouvellent l'écoute. Au public qui ovationne debout, l'altiste annonce un rappel: le Menuet du Quatuor K. 499 de Mozart.

QUATUOR À CORDES TOKYO - Martin Beaver et Kikuei Ikeda (violons), Kazuhide Isomura (alto) et Clive Greensmith (violoncelle). Vendredi soir, Pollack Hall de l'Université McGill.

Présentation: Ladies' Morning Musical Club, concert hors-série.

Programme:

Quatuor no 11, en fa mineur, op. 95 (Serioso) (1810) - Beethoven

Quatuor no 5, Sz. 102 (1934) - Bartok

Quatuor en fa majeur (1903) - Ravel