«Il ne faut pas venir le deuxième soir : c'est le plus mauvais!», nous avait lancé la directrice d'une compagnie locale dont nous n'avions pu voir la première en raison d'un événement jugé plus important. À quoi nous avions rétorqué : «Alors, il ne faut pas faire de deuxième soir!»

Dans le cas d'un spectacle dont la distribution reste la même pendant toutes les représentations, il se peut en effet que les interprètes soient «vidés» une fois la première passée. Dans le cas d'un exercice scolaire comportant deux distributions, la meilleure se voit habituellement confier la première, l'autre étant forcément inférieure. Or, lorsque l'OSM annonce depuis plusieurs mois déjà une rencontre Pletnev-Matsuev pour le 28 février, force nous est d'accepter la deuxième distribution des Dialogues des Carmélites de l'Atelier d'opéra de l'Université de Montréal et même de conclure que le haut niveau de chant et de jeu qu'on y admire généralement s'applique à ce qu'on nous offre le soir de la première.

Le chef-d'oeuvre mystique de Poulenc est bien connu. L'UdeM s'y est attaqué une première fois en 2003, l'Opéra de Montréal l'a monté deux fois, l'UQAM et McGill également. Ayant pour cadre la Révolution française de 1789, le scénario relate la brutale arrestation et la condamnation à mort des paisibles et innocentes Carmélites de Compiègne. Le personnage central est ici Blanche de la Force. Venue d'une famille noble, elle prend peur et se sauve, puis revient à la toute fin rejoindre ses soeurs sur l'échafaud.

D'une durée de près de trois heures, le spectacle comme tel est réussi, la scène de la salle Claude-Champagne étant, cette fois encore, transformée en plateau de théâtre avec fosse d'orchestre. Des décors stylisés suggèrent les différents lieux de l'action et des figurants remplacent les accessoires dans le noir. Certains changements prennent cependant beaucoup de temps.

Pour l'ensemble, la mise en scène de François Racine respecte le sujet, bien qu'on puisse trouver excessif son traitement du tableau final de l'échafaud. Habituellement, les condamnées marchent une à une vers l'arrière-scène; on ne les voit pas mourir. Cette fois, une longue draperie rouge sang tombe sur chacune en même temps que résonne la guillotine. En quelques instants, 15 cadavres jonchent le plancher.

Au pupitre de l'OUM, comme en 2003, Jean-François Rivest pousse ses 65 musiciens à leur maximum et en obtient non seulement une exceptionnelle qualité de jeu mais encore, et surtout, une puissance dramatique absente du plateau.

En fait, il y a peu à dire sur cette distribution de deuxième soir. Le texte est dit assez clairement, mais sans cette intelligence qui en soulignerait toute la beauté et toute la profondeur. Concernant les rôles principaux, les deux Prieures sont les mêmes aux trois représentations. Erica Lee Martin, en vieille Prieure, manque d'autorité mais se montre assez convaincante dans son numéro d'hystérique. Geneviève Colletta, en nouvelle Prieure, chante joliment mais est trop jeune pour le rôle. Carol Léger, qui remplaçait celle qui devait chanter Blanche vendredi soir, montre un réel talent vocal et dramatique. La même remarque s'applique à la Soeur Constance de Kyla Cook.

Par contre, au moins quatre sujets (Mère Marie, le frère de Blanche, l'aumônier et le médecin) sont tellement mauvais qu'on se demande non seulement pourquoi on les a imposés, même en deuxième distribution, mais, tout simplement, pourquoi ils s'aventurent à chanter en public.

DIALOGUES DES CARMÉLITES, opéra en trois actes (12 tableaux), texte de Georges Bernanos d'après une nouvelle de Gertrud von Le Fort, musique de Francis Poulenc (1957). Production : Atelier d'opéra de l'Université de Montréal. Mise en scène : François Racine. Scénographie et costumes : Carl Pelletier. Éclairages : Nicolas Descoteaux. Choeur et Orchestre de l'Université de Montréal. Avec surtitres français et anglais.

Vendredi soir, salle Claude-Champagne de l'UdM. Troisième et dernière représentation : aujourd'hui, 19 h 30.