Chanter Verdi à La Scala? Un rêve terrifiant pour toute vedette d'opéra. La Saguenéenne Marie-Nicole Lemieux n'a fait qu'une bouchée du public milanais, mercredi soir, avec sa géniale interprétation de Quickly, dans Falstaff de Verdi. Preuve s'il en faut qu'elle fait partie des cantatrices de l'heure.

Pour prendre le pouls de la réputation internationale de Marie-Nicole Lemieux, il n'y a pas meilleur endroit que le bureau du directeur de distribution de la prestigieuse Scala de Milan. Les premières mondiales des plus grands opéras, de Madame Butterfly (Puccini) à Aïda (Verdi), ont eu lieu dans la vénérable institution milanaise.

À notre grand plaisir, Ilias Tzempetonidis ne tarit pas d'éloges sur l'interprète de Madame Quickly dans Falstaff, une production créée à Londres où elle s'était fait remarquer par la critique en 2012.

«Marie-Nicole Lemieux est l'une des meilleures contraltos du monde, dit le directeur de la distribution. Elle est une artiste rêvée: elle a une technique très solide et s'abandonne à son art comme un enfant.»

Des dithyrambes qui ne calmaient pas le trac de la rousse interprète, rencontrée à l'entracte. «Oui, Ilias m'aime, mais si le public ne m'aime pas...», dit-elle en lâchant un gros soupir. «Il paraît que les spectateurs de La Scala sont difficiles, poursuit-elle. Je suis terrorisée.»

Prouesses vocales et physiques

C'est pourtant elle qui a provoqué les rires de la soirée. Il faut dire que sa préparation était bonne: elle interprétait l'espiègle Quickly pour la cinquantième fois (en six productions) de sa carrière, et elle a particulièrement brillé dans une scène charnière où son personnage cherche à duper Falstaff pour avoir envoyé une lettre d'amour identique à ses deux amies mariées. Ses simagrées pour charmer l'épicurien vieillissant étaient d'un comique ingénieux.

En outre, la mise en scène exige qu'elle boive, mange, fume et se mette du rouge à lèvres tout en chantant! Une générosité et une maîtrise technique qui ne sont pas passées inaperçues auprès des amateurs de Verdi.

«Elle a beaucoup de présence et son phrasé italien est excellent. Elle est parfaite pour ce rôle», affirme Alessandra Nodari, 44 ans, une habituée de La Scala.

Jusqu'en 2017

«Je pense bien que c'est moi qu'on a davantage applaudie», a déclaré Marie-Nicole Lemieux, souriante, au lendemain de la représentation. Dans le cas contraire, la perfectionniste aurait cru à l'échec.

Pari réussi, donc, pour la contralto de 37 ans, qui reviendra au Québec seulement en mai pour chanter dans Theodora, de Handel, avec les Violons du Roy. D'ici là, elle prêtera encore ces traits à Quickly à l'Opéra Bastille de Paris, chantera le Requiem de Verdi à Londres et donnera un concert en Slovénie avec l'Académie nationale Sainte-Cécile, l'une des plus anciennes du monde.

La Scala devra patienter avant de la réinviter sur ses planches: son agenda est bouclé jusqu'en 2017.