Le froid sibérien n'avait pas empêché quelque 350 personnes de se rendre à la salle Bourgie vendredi, 18 h 30, pour entendre le nouveau trio qu'ont formé le pianiste bien connu Mathieu Gaudet, le violoncelliste Raphaël Dubé (membre des Violons du Roy) et le violoniste Emmanuel Vukovich encore en début de carrière.

L'impression laissée par ce concert (une grosse heure, sans entracte) se ramène à peu près à ceci : a) on aurait mieux fait de rester au chaud, chez soi, pour regarder la télévision ou s'occuper de son chien; b) l'initiative la plus intéressante que prirent les trois coéquipiers fut de ne pas donner de rappel, malgré l'ovation qui pleuvait sur eux (comme il en pleut toujours, de toute façon!).

Faut-il préciser que les trois amis pourtant bien intentionnés ne sont pas - mais absolument pas - prêts à se produire en public? Le pianiste est assez solide et le violoncelliste projette une belle sonorité, mais le violoniste est à peine correct; il est surtout timide et n'a aucune présence.

La coordination des trois est bonne - il est clair qu'ils ont bien travaillé - mais cela ne suffit pas : ce n'est qu'un commencement. Au départ, l'équilibre des trois instruments laisse souvent à désirer. Le violon est très faible et, parfois, c'est le violoncelle qui disparaît.

Mais le principal problème, c'est, tout simplement, le manque d'expérience de ce nouveau trio. Il vient d'être créé, il n'a pas trouvé sa personnalité (si la chose existe, bien sûr), il n'a pas approfondi le répertoire, il ne s'est pas frotté au public. Bref, pour l'instant, il n'a rien à dire.

Son programme entièrement français comprenait, dans cet ordre, l'ennuyeux op. 120 de Fauré, pourtant oeuvre de maturité, le séduisant et peu connu trio de jeunesse de Debussy et le célèbre trio de Ravel, sommet de la musique de chambre. Le Fauré est resté ce qu'il est : ennuyeux. Le seul instant où une pensée s'est manifestée fut le grand point d'orgue qui rassemble les trois participants à la fin du mouvement lent. Le mouvement lent, avec son solo de violoncelle, est aussi ce qu'il y a de plus beau dans le Debussy. Ce fut encore le cas cette fois, bien que Raphaël Dubé se gardât bien de trop faire chanter son instrument. L'influence des Violons du Roy, sans doute.

Le très difficile Ravel aux multiples événements reçut un peu mieux qu'une première lecture, grâce principalement aux énormes efforts que déployait le pianiste pour créer un certain impact, fût-ce au prix de quelques fausses notes bien négligeables.

MATHIEU GAUDET, pianiste, EMMANUEL VUKOVICH, violoniste, et RAPHAËL DUBÉ, violoncelliste. Vendredi soir, salle Bourgie du Musée des beaux-arts. Programme : Trio en ré mineur, op. 120 (1923) - Fauré Trio en sol majeur (1880) - Debussy Trio en la mineur (1914) - Ravel