Un concert peut-il être à la fois beau et légèrement ennuyeux? Ce paradoxe s'est incarné, mercredi soir, à la Basilique Notre-Dame, pour L'Enfance du Christ d'Hector Berlioz avec l'OSM et Kent Nagano. Un concert qui fut de qualité sans être entièrement convaincant.

On aurait pu croire que la Basilique Notre-Dame serait le cadre idéal pour présenter cette oeuvre propice au recueillement. Mais finalement - peut-être parce que nos oreilles sont déjà habituées à l'acoustique de la Maison symphonique - on a eu l'impression que son côté intimiste était noyé dans la magnificence des lieux.

Trilogie sacrée tendre et naïve, ponctuée d'accents dramatiques, L'Enfance du Christ occupe une place assez conservatrice dans l'oeuvre de Berlioz. On y est à mille lieues des délires opiacés de la Symphonie fantastique. Les passages les plus intéressants sont les ouvertures et intermèdes orchestraux faisant ingénieusement appel à la fugue.

L'OSM en a livré une interprétation tout en retenue, en finesse et en douceur. Cependant, la perte d'une partie du son, volatilisé dans les hauteurs circulaires de la voûte, empêchait de goûter les subtilités des nuances orchestrales.

D'autre part, on sentait bien chez le chef une volonté de transmettre l'émotion religieuse générale de l'oeuvre, mais tout cela passait par une compréhension purement intellectuelle. Il manquait cette chaleur et cette conviction qui auraient pu en faire une vraie réussite, comme si on avait soigneusement placé tous les morceaux ensemble sans prendre le temps de se les approprier, pour un résultat final assez froid.

Dans la première partie, Gino Quilico, qui avait l'air de s'ennuyer en chantant, jetait chaque phrase de l'Air d'Hérode comme si elle était détachée de son contexte et dépourvue de sens. Les autres solistes furent très convenables, le plus touchant étant le jeune ténor Pascal Charbonneau, doté d'une voix superbe. Son interprétation du Récitant était sensible et sincère, bien que sa diction ne fût pas impeccable.

Les directives scéniques du compositeur ont été respectées. Dans la scène du Choeur d'anges, Berlioz a indiqué que les choristes femmes devaient être cachées à l'arrière pour créer un effet lointain. Hélas, l'effet fut trop bien réussi, puisqu'on les entendait si peu que l'on ne distinguait pas toujours leurs paroles étouffées.

Pour le charmant Trio pour deux flûtes et harpe, on a descendu la harpe à l'avant, en bas du choeur de l'église et dos au chef. Les flûtistes Timothy Hutchins et Carolyn Christie ont pris place à côté d'elle pour ce morceau de lumière, merveilleux intermède au milieu des plats dialogues du Père de famille avec Marie et Joseph. Berlioz était un grand compositeur, mais il ne fut pas particulièrement inspiré comme versificateur dans l'écriture de ce livret, surtout dans cette troisième partie.

Kent Nagano excelle dans bien des répertoires. Mais après une Passion selon Saint-Matthieu plutôt ratée à Wilfrid-Pelletier en 2009, une Passion selon Saint-Jean loin d'être transcendante à la Maison symphonique en 2011 et cette Enfance du Christ à demi-réussie, on peut commencer à dire que les oeuvres chorales à caractère religieux ne sont peut-être pas sa plus grande force.