Depuis qu'il a fondé le Collegium Vocale Gent en 1970, Philippe Herreweghe est reconnu à juste titre comme l'une des personnalités musicales marquantes de notre époque. L'ensemble choral et orchestral, considéré comme l'un des meilleurs au monde, visite le Québec pour la première fois de son histoire. Il donnera l'Oratorio de Noël de Jean-Sébastien Bach à deux reprises cette semaine, à la Maison symphonique, une présentation conjointe OSM-Festival Bach.

Grand innovateur, artisan du renouveau de l'interprétation baroque aux côtés des Nikolaus Harnoncourt, Gustav Leonhardt et Ton Koopman de ce monde, le chef a fondé le Collegium Vocale après avoir mené des études de médecine. Ensuite invité par Harnoncourt et Leonhardt, l'ensemble allait collaborer au légendaire enregistrement de l'intégrale des cantates de Bach sous le label Teldec. En 1989, le Collegium Vocale a enregistré une version de l'Oratorio de Noël considérée comme historique et demeurée une référence.

Malgré un emploi du temps très chargé, le chef a trouvé le temps de répondre à quelques questions de La Presse, il y a deux semaines.

Parlez-nous de votre approche de l'Oratorio de Noël avec le Collegium Vocale?

Il y a actuellement un débat en Europe, à savoir si l'on devrait interpréter les oeuvres vocales de Bach avec un seul ou plusieurs chanteurs par voix. Notre choeur est composé de 12 solistes, qui peuvent tous chanter les solos, accompagnés d'un petit orchestre baroque. C'est cette approche très individuelle qui nous caractérise. Ces solistes ont une telle qualité musicale et une telle expérience que cela permet, quand on travaille les cantates de Bach, de nous concentrer non pas sur les difficultés techniques, mais uniquement sur le contenu. Notre travail porte sur le texte et sa signification. Peu de compositeurs ont atteint une science et un art aussi grands que Bach sur le plan de l'architecture et du contrepoint. Mais en même temps, il peut être compris même par des enfants. L'Oratorio de Noël illustre un contenu théologique, mais raconte aussi une histoire très simple que tout le monde connaît. Bach met tout son génie au service de cette histoire poétique, merveilleuse et presque enfantine.

Comment le choeur a-t-il évolué depuis sa fondation en 1970?

En Europe, nous avons joué un rôle de pionniers pendant nos 30 premières années. Au tout début, il s'agissait d'un choeur d'étudiants avec 80 chanteurs, nous l'avons ensuite réduit à une douzaine. Nous avons été les premiers à créer un choeur de chambre de ce type. Mais depuis 15 ans, je l'ai complètement réformé. C'est un ensemble véritablement international avec des chanteurs de plusieurs pays. Nous avons trois sections. La première se consacre à la musique de la Renaissance, avec cinq ou six chanteurs spécialisés dans cette époque. Nous faisons du Bach avec d'autres chanteurs spécialistes de la musique baroque. La troisième section est un grand choeur de 80 personnes avec qui je fais un parcours dans la musique romantique et contemporaine. Quand nous donnons des concerts, les chanteurs sont donc différents selon le répertoire et les compositeurs.

Vous avez donc un peu délaissé Bach et le baroque au cours des dernières années pour élargir votre répertoire. Pourquoi?

On ne peut pas manger que du homard tous les jours, et quand on est acteur de théâtre, on ne peut pas jouer que du Shakespeare! Je m'intéresse à toute la musique et je trouve important de ne pas être enfermé dans un seul répertoire.

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Philippe Herreweghe et le Collegium Vocale Gent, 12 et 13 décembre, 19 h 30, Maison symphonique.